Michel Lascar : «Un tribunal tout à fait sain»
Récemment nommé président du tribunal administratif de Toulon, Michel Lascar dresse la feuille de route de la juridiction et évoque le cas particulier de l’épouse du ministre de l’Intérieur
Michel Lascar vient d’être nommé président du tribunal administratif de Toulon. Nommé président de tribunal administratif et de cour administrative d’appel en 2009, il a successivement exercé les fonctions de président de chambre au tribunal administratif de Lille, puis au tribunal administratif de Marseille. Depuis le 1er septembre 2015, il présidait la septième chambre de la cour administrative d’appel de Marseille.
Vous arrivez comme le quatrième président du tribunal administratif de Toulon. Quel regard portez-vous sur le tribunal ? J’arrive à la tête d’un tribunal qui est tout à fait sain. Il fonctionne bien. Jean-Christophe DuchonDoris, mon prédécesseur, m’a laissé un appareil en bon état de marche avant de prendre la présidence du tribunal de Nice. Par ailleurs, la qualité des décisions est bonne. C’est-à-dire que la plupart des jugements rendus sont confirmés par la cour d’appel lorsqu’ils donnent lieu à un appel. Je souhaite maintenir ce haut niveau de qualité et ce haut niveau de production.
Quelles sont les spécificités que vous notez en arrivant ? À l’origine, le tribunal administratif de Toulon a été créé en pour soulager le tribunal de Nice et notamment du contentieux de l’urbanisme. Logiquement donc, le tribunal de Toulon a un contentieux d’urbanisme important avec beaucoup de dossiers concernant des permis de construire ou des PLU( Plan local d’urbanisme, Ndlr). C’est le double de la moyenne nationale. On note aussi une part importante de ce que nous appelons les contentieux sociaux. Concernant le RSA ou le droit au logement opposable par exemple, les flux sont ici légèrement supérieurs à la moyenne. Certains voient le Var comme un département de milliardaires. En réalité, une forte partie de la population est paupérisée. A contrario ,ilyatrès peu de contentieux concernant les étrangers.
Actuellement, le tribunal enregistre environ dossiers nouveaux tous les ans. Les magistrats sontils assez nombreux à Toulon pour les juger ? En gros, oui. Les quinze magistrats constituent quatre chambres. Ça suffit pour gérer les dossiers entrants. Notre taux de couverture, c’est-à-dire le nombre de sorties sur le nombre d’entrée, est remarquable. Notre problème, c’est le stock des affaires liées aux entrées massives qui ont eu lieu en et qui concernent notamment les affaires d’amiante. Le poids de ce stock fait que les délais pour rendre une décision sont ici un peu plus longs que la moyenne nationale.
Un des chantiers menés par votre prédécesseur concernait la dématérialisation des procédures. Où en est ce processus ? La dématérialisation des flux entre la juridiction et l’extérieur, c’est-à-dire la mise en place de l’application « Télérecours », qui permet les échanges entre les parties et le rendu des décisions, n’est pas achevé mais avance bien. Depuis le janvier, « Télérecours » est désormais obligatoire pour un certain nombre d’acteurs, comme les avocats ou les grosses administrations, ainsi que les collectivités importantes. Ça marche. La perspective, c’est que même des particuliers peuvent prochainement utiliser « Télérecours » en s’adressant à des maisons du droit. Mon objectif, c’est de continuer à faire entrer le tribunal dans l’ère du numérique.
Nous voulons favoriser la médiation ”
Quels sont les autres chantiers que vous envisagez pour les prochaines années ? Comme au niveau national, nous voulons favoriser la médiation, c’est-à-dire ce qu’on appelle le mode de règlement alternatif des litiges. Très récemment, les décrets d’application de la loi sur la médiation administrative sont parus et on va pouvoir passer à l’action. J’ai l’intention de faire en sorte que certains litiges trouvent une solution extrajuridictionnelle.
Concrètement, comment cela peut-il se passer ? une des possibilités, peut-être la plus intéressante, consiste à faire que des personnes en litige s’adressent à un médiateur – qui peut être un avocat –, qu’elles parviennent à un accord et qu’elles nous demandent d’homologuer cet accord. Ça peut nous éviter des contentieux inextricables.