Macron au galop
Jupiter finalement est un homme pressé. Emmanuel Macron a donc ouvert, hier, les portes de son Olympe élyséen, où il entend trôner en président tout puissant, aux dirigeants syndicaux et patronaux pour discuter avec eux de sa réforme du Code du travail. Une fausse surprise, en vérité : le nouveau chef de l’Etat entend certes rétablir la distance qui sied à sa fonction et lui rendre une dignité écornée par ses deux prédécesseurs mais, au fond, il est bien décidé à s’occuper de tout comme s’il ne faisait pas une confiance absolue à l’équipe inédite de droite, du centre et de gauche qu’il a constituée. Certes, son Premier ministre, Edouard Philippe, avait pris soin de téléphoner dès le mai aux uns et aux autres pour leur dire que le dialogue social s’ouvrait sur le champ, reste que le nouveau Président a décidé de mouiller la chemise. Il veut, en effet, aller au grand galop et tenir son engagement de faire passer cette réforme du travail au plus vite. Pas de surprise, d’ailleurs : son calendrier était connu avant même son élection ainsi que sa volonté de recourir aux ordonnances pour ne pas se perdre dans les méandres d’un débat parlementaire. Naturellement, à l’issue de ces rencontres, qui se poursuivront dès aujourd’hui à Matignon, chacun a voulu voir midi à sa porte : le leader de la CGT a estimé que le calendrier avait sans doute bougé ; le patron de FO pense, lui, qu’il y a des marges de manoeuvre ; le chef de la CFDT a trouvé le Président à l’écoute et le patron des patrons a salué la volonté d’aller vite tout en notant des divergences. En vérité, chacun est ressorti de l’Elysée en ayant bien compris qu’Emmanuel Macron était plus que jamais déterminé à imposer sa réforme dans les plus brefs délais et par la voie des ordonnances. Et pour ceux qui n’auraient pas voulu comprendre, un communiqué élyséen a rappelé, hier en début d’après-midi, que ni l’agenda ni la méthode n’avaient changé. En fait, Emmanuel Macron a surtout sacrifié aux exigences de la loi Larcher de janvier qui impose une concertation avec les partenaires sociaux avant toute réforme du droit du travail. Pour autant, il n’a pas ouvert un dialogue social qui conduirait à un compromis. A ses yeux, en l’élisant, les Français lui ont donné un mandat incontestable pour mener à bien un projet qu’il estime indispensable pour débloquer le marché du travail et lutter contre le chômage. Bref, il considère que sa légitimité écrase celle des syndicats. L’injonction hier du porte-parole du gouvernement, Christophe Castaner, le confirme : « Les syndicats n’ont pas le droit de bloquer la France. » Fermez le ban ! Nul ne peut plus en douter, Emmanuel Macron n’est pas près de s’en laisser compter. Son élection, pense-t-il, lui donne le pouvoir de faire tout ce qu’il a annoncé sans se préoccuper des contrepouvoirs de toutes sortes. Un vrai pari.
« Le Président considère que sa légitimité écrase celle des syndicats. »