Roger Moore: en deuil
L’immense acteur britannique s’est éteint hier en Suisse, où il résidait en alternance avec Monaco. Celui qui avait endossé à sept reprises le costume de James Bond était âgé de 89 ans
Du flegme et du chic. Une classe toute britannique. Le goût des jolies femmes et du luxe ; une certaine élégance en toute chose et en toutes circonstances. Aston-Martin DB5. Bollinger grande année. Vodka-Martini au shaker – surtout pas à la cuillère. C’est cette image que nous garderons de Sir Roger Moore. Bien sûr, Brett Sinclair en duo avec Tony Curtis dans la série Amicalement vôtre. Et même auparavant Simon Templar dans Le Saint. Mais pour toute une génération de cinéphiles, en tout cas pour tous les amoureux d’un cinéma de divertissement et d’action au charme inaltérable et sans égal, d’abord vient James Bond. L’acteur a laissé son empreinte, succédant à Sean Connery même si les puristes se souviennent de l’éphémère George Lazenby. Roger Moore était d’ailleurs en 1962 le premier choix de l’auteur Ian Fleming. Ses engagements ne lui avaient pas permis d’endosser le smoking. De Vivre et laisser mourir en 1973 à Dangereusement vôtre en 1985, sept opus, devenus des classiques. À la ville, le comédien laisse le souvenir d’un homme discret mais attentif, d’une délicatesse rare, et dont la seule présence inspirait le respect. « Une prestance extraordinaire », témoigne Francis Roux qui l’accueillait souvent à la Colombe d’or.
Un humour distancié
Le célèbre restaurant de Saint-Paul-de-Vence, où Roger Moore a d’ailleurs longtemps possédé une villa sur les hauteurs du village, était l’un de ses rendez-vous favoris. « Il venait passer une dizaine de jours au printemps, puis revenait souvent tout au long de la saison » , raconte le propriétaire de la Colombe d’or qui a toujours été frappé par l’admiration que les clients portaient à l’acteur : « Il ne serait venu à l’idée de personne de venir l’importuner.» Francis Roux est inconsolable : «Je l’aimais. C’est une perte très douloureuse. » Roger Moore partageait le reste de son temps entre Monaco et Crans-Montana, en Suisse. Économe de ses mots, il nous avait toutefois accordé une interview en 2009, à l’occasion d’une rencontre avec les Suédois de la Côte d’Azur, à Nice. Roger Moore avait honoré cette invitation pour sa quatrième épouse, Kristina, elle-même Suédoise, mais surtout parce qu’une partie de la recette du déjeuner devait revenir à l’Unicef, qu’il soutenait en ambassadeur zélé de la cause des enfants. « Audrey Hepburn, qui était ma voisine en Suisse, se battait pour l’Unicef avec tant de passion qu’elle avait fini par me convaincre », nous avait-il indiqué. « Jusqu’à cette époque, je n’avais pas d’autre souci que de savoir si ma chemise était bien repassée… » Retour à James Bond, forcément. « L’Espion qui m’aimait avait sa préférence. Malgré un incident que Sir Roger Moore racontait avec cet humour distancié que chacun lui connaissait : « Dans une scène du film, un fauteuil m’explose littéralement sous les fesses. » Son « derrière », selon son expression puisqu’il connaissait un peu le français, en conservait des séquelles. Roger Moore avait choisi de s’éclipser : « À la fin, je devais embrasser des actrices qui avaient l’âge de ma propre fille. C’était ridicule. » Avec un fair-play dont il ne se départissait jamais, Roger Moore saluait la performance de Daniel Craig, « un très bon acteur » dont il ne manquait aucune prestation. «J’ai acheté le DVD de Quantum of Solace. J’ai vu dans ce James Bond plus d’action que dans tous les miens réunis ! »