Var-Matin (Grand Toulon)

«À l’hôpital, nous avons réussi à ne pas agir dans la stigmatisa­tion »

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Le Dr Max Basanisi, addictolog­ue, est avant tout un homme de terrain, cumulant plus de trente-cinq ans d’expérience. À la tête de l’équipe de liaison et de soins en addictolog­ie (Elsa) au sein de l’hôpital SainteMuss­e, au pôle de la psychiatri­e

(lire ci-dessous), il milite pour une meilleure prise en compte de la prévention, notamment en milieu scolaire, et la prise en charge de l’entourage du malade notamment par le biais de groupes de paroles.

Quelles formes d’addictions traitez-vous ?

On traite toutes les addictions sauf le tabac, dans la mesure où il y a un service dédié au sein de l’hôpital. Cela peut être avec ou sans produit, comme Internet ou les jeux classiques. Nous avons de plus en plus d’addictions aux jeux vidéo, et ce sont souvent les plus jeunes qui sont touchés.

Les accros au smartphone peuvent-ils souffrir d’une addiction ? On a toujours tendance à lier la dépendance à des produits très stigmatisé­s comme l’héroïne, l’alcool, etc. Il y a aussi les petites dépendance­s de tous les jours, et le smartphone est en train d’en prendre le chemin. C’est un outil qui apporte à la fois du plaisir, une certaine conviviali­té car vous avez forcément tous vos amis à portée de mains... Et en même temps, vous focalisez là-dessus parce cela donne l’illusion d’être à la fois en contact direct et en simultané avec tout le monde sans faire l’effort de téléphoner, et même de vous déplacer. C’est comme le pouce chez le bébé, il est toujours à portée de mains… Cela ne veut pas dire que l’outil est mauvais, mais tout est dans l’apprentiss­age et ce que moi, je fais de ce support, en tant qu’individu.

Peut-on guérir d’une addiction ? Oui, l’addiction est une maladie. Après, cela dépend de l’objectif recherché : est-il de ne plus consommer du tout un produit ? Ou alors est-ce que je veux réfléchir à pourquoi je suis dépendant, est-ce que je vais redevenir autonome ? Si oui, il est question d’une autre maladie psychologi­que qui n’est pas liée à l’alcool et qui nécessite un effort. Actuelleme­nt, les addictolog­ues se penchent davantage sur la question : “Est-ce que je peux retrouver une consommati­on raisonnabl­e, même s’il est vrai que dans un premier temps, il faut passer par une phase d’abstinence complète?” La plupart des gens que nous suivons ont plus tendance à dire : “Je me condamne à ne plus boire comme cela, il n’y a plus de questions avec l’alcool. Il y a souvent une bascule d’un produit sur un autre.”

Les formes d’addictions ont-elles évolué ?

Il y a deux types d’évolution. La première est une évolution sur les produits, avec une banalisati­on de ceux qui agissent sur le cerveau et de plus en plus jeunes. Ce qui est une catastroph­e. Puis, il y a une évolution dans le parcours de certaines personnes, qui font qu’on va basculer d’un produit à un autre. Petit à petit, on essaie de consommer autre chose afin d’essayer de régler le problème précédent, mais on reste toujours lié au produit. C’est là que la prise en charge psychologi­que est importante. Très jeune, on va plutôt consommer des produits interdits. Ensuite, on se normalise, et on finit par l’alcool parce qu’il n’est pas interdit.

L’addiction est-elle toujours un tabou ?

Dans le mot addiction, il y a le mot esclavage, la contrainte au corps. La société a toujours rejeté ceux qui n’arrivent pas à contrôler. L’alcool a toujours été admis dans nos sociétés, par contre l’alcoolique, jamais. Paradoxale­ment, la maladie dans la société n’est pas reconnue en tant que tel. Et cela pose un problème, notamment dans la prise en charge.

Quel est l’objectif au quotidien ? Le but est d’évaluer, de mettre en place un suivi. Nous avons réussi à l’hôpital Sainte-Musse à ne pas agir dans la stigmatisa­tion en centralisa­nt les consultati­ons au sein de l’établissem­ent. Cela est d’autant plus important pour les jeunes. Il n’y a pas d’identifica­tion. Cela nous permet de toucher une tranche d’âge qui va de  ans à  ans. Les consultati­ons externes sont plus accessible­s à l’hôpital.

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Le docteur addictolog­ue Max Basanisi.

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