Var-Matin (Grand Toulon)

CHAMPIGNON­S ET VIEILLES DENTELLES...

Un Coppola qui sonne désespérém­ent creux Sofia Coppola signe, avec Les Proies, une nouvelle adaptation édulcorée du roman qui avait déjà inspiré Don Siegel. Le film le plus décoratif de l’édition...

- par PHILIPPE DUPUY pdupuy@nicematin.fr @djphilip

J amais contents ! Après avoir bavé pendant des années sur le misérabili­sme plombant des films de Cannes (dont Biutiful d’Iñárritu fut peut-être l’acmé), voilà qu’on leur reprochera­it presque de sombrer dans le “mignonnism­e”. Après les gentillets Okja, The

Me yerowitzS tories, Won der st rucketV ers la lumière (liste non exhaustive : même Haneke a mis du sucre dans ses épinards), il faut dire que le nouveau Sofia Coppola, présenté hier en compétitio­n, donne du grain à moudre à la critique. Il s’agissait pourtant, pour la petite princesse du cinéma US, de livrer une nouvelle adaptation du sulfureux roman de Thomas P. Cullinan, The Beguiled, que Don Siegel avait déjà porté à l’écran en 1971 avec Clint Eastwood dans le rôle du bien-nommé John McBurney. Un petit chef-d’oeuvre de perversité, dans lequel un caporal nordiste, blessé en Virginie pendant la guerre de Sécession, trouve refuge dans un pensionnat de jeunes filles et devient le jouet de ses hôtes, après avoir lui-même entamé un jeu de séduction dangereux pour s’attirer leurs bonnes grâces. Si on voit assez bien ce qui a attiré Sofia Coppola dans ce projet, impliquant ce qu’elle connaît et filme le mieux depuis Virgin Suicides (des jeunes filles en fleur), on comprend mal ce qui l’a poussée à en livrer, en 2017, une lecture aussi édulcorée et, au final, insignifia­nte. Toute la tension sexuelle et la violence qui exsudaient du film de Siegel ont été évacué es au profit d’une imagerie David hamiltonie­nne et d’un humour au second degré, dont on n’est même pas certain qu’il soit toujours volontaire. Sous son très joli emballage de rubans et de dentelles sudistes (superbe photo du chef opérateur français Philippe Le Sourd), le film sonne désespérém­ent creux. Colin Farrell, dans le rôle du chasseur-chassé, manque singulière­ment de sex-appeal et de noirceur. Kirsten Dunst est encore plus fade. Elle Fanning, pourtant censée être la proie numéro 1, minaude comme une gamine prépubère. Et le scénario prive Nicole Kidman de sa grande scène, celle de l’amputation/castration, qui reste hors champs. Pour finir, les donzelles se débarrasse­nt de l’intrus en lui faisant ingurgiter une fricassée de champignon­s vénéneux au cours d’un repas de réconcilia­tion gaguesque. On se croirait dans une production Disney. Bref, encore rien de bien croustilla­nt à se mettre sous la dent à quelques films de la fin de cette 70e édition, dont on commence à craindre sérieuseme­nt qu’elle nous laisse sur notre faim.

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L’esthétique du film doit beaucoup au chef opérateur français Philippe Le Sourd. (Photo Universal Pictures Internatio­nal France)

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