FRANÇOIS OZON Toujours osé!
Avec son thriller décalé, intrigant et dédoublé, François Ozon se joue des apparences et des effets miroirs, tout en livrant sa vérité nue. Sa présentation à la presse en a aussi été le reflet.
C ette séquence-là aura défrayé la chronique cannoise 2017. Gros plan d’une vulve sur grand écran, avant que l’image ne se transforme en l’oeil de la protagoniste, allongée sur le divan d’une gynécologue. Rires, mais aussi applaudissement pour François Ozon le bien nommé ! « C’était intéressant de commencer le film visuellement avec ce que je voulais raconter : ce sexe féminin et cet oeil, c’est une façon d’embarquer tout de suite le spectateur dans l’histoire. Plus le film avance, et plus ces deux plans prennent sens », justifie le réalisateur de Swimming Pool, également présenté à Cannes. Marine Vacth, provoque alors l’hilarité en croyant bon de préciser que la vulve, ce n’est pas la sienne ! Une journaliste de Dubaï rappelle l’intérêt de François Ozon pour les femmes, mais se demande si ce nouveau film, fort « dénudé », ne sera pas censuré. « Déjà, je crois que dans certains pays, la scène de
Swimming Pool où Ludivine Sagnier et Charlotte Rampling s’embrassent a été coupée, rigole l’intéressé, avant de reprendre plus sérieusement. J’espère toujours que mes films voyagent dans le monde entier. Et je regrette que la nudité puisse poser problème quelque part. À l’heure d’Internet, tout cela relève de la pudibonderie » .La censure de l’image est toujours le reflet de
l’esprit qui l’anime. François Ozon, s’en accommode donc, lui qui aime à se jouer des trompe-l’oeil. En particulier dans L’Amant double, où les miroirs jouent aussi leur rôle
trouble. « On a réalisé un gros travail avec mon chef décorateur, pour qu’il illustre le propos du film. Et j’ai effectué beaucoup de recherches sur la gémellité, quand j’ai découvert que l’on pouvait porter en soi un jumeau parasite. » Le réalisateur et son acteur semblent d’ailleurs prolonger le jeu jusque sur la Croisette, où ils se sont présentés côte à côte, en vestes bleues jumelles. « Sur Huit femmes, on était très nombreux sur
« LE THRILLER ÉTAIT LE GENRE ADAPTÉ À CETTE HISTOIRE »
le plateau alors que là, on s’est retrouvé dans une sorte d’intimité à trois, ça fait vraiment du bien », souligne même Jérémie Renier, au double rôle de psy à devenir schizophrène. Un comble ! « J’ai essayé de construire mon travail comme deux rôles dans deux films différents. François a tourné une partie du film avec Paul, l’autre avec Louis, ça m’a permis de passer plus aisément de l’un à l’autre. » Sa gémellité, François Ozon la puise plutôt dans Alfred Hitchcock, ou Brian De Palma : « J’en suis fan, j’aime la manière dont ils déconstruisent le thriller, en déjouant ses codes. Je me suis aussi obligé à revoir le film de Cronenberg sur le sujet, mais moi, je raconte le point de vue de cette femme victime de jumeaux diaboliques ». Faux-semblants. Mais réellement osé.