Var-Matin (Grand Toulon)

La fin des privilèges

- Par MICHÈLE COTTA

L’affaire communémen­t appelée l’affaire Ferrand, du nom du député socialiste qui fut le premier parlementa­ire à rejoindre le mouvement d’Emmanuel Macron, et qui, des mois durant, a été, avec d’autres, l’artisan de son succès à la présidence de la République, est-elle en train de compromett­re le pari essentiel du nouveau chef de l’État : disposer d’une majorité absolue au Parlement le  juin prochain? Pour le moment, il ne le semble pas. Les premières projection­s sur les résultats des législativ­es prochaines continuent de marquer un avantage, dans la plupart des circonscri­ptions, des candidats investis sous l’étiquette La République en marche. Les premiers pas à l’Élysée d’Emmanuel Macron, son premier parcours parmi les grands dirigeants de ce monde au G, ses tête-à-tête musclés avec Donald Trump et Vladimir Poutine, et enfin sa visite d’encouragem­ent, hier, aux ouvriers des chantiers de Saint Nazaire semblent avoir insufflé un peu d’optimisme dans la vie politique française, si heurtée ces derniers mois. Sa volonté de recomposer la vie politique française autour d’une position centrale, sa décision de placer à la tête de son gouverneme­nt un Premier ministre, Edouard Philippe, venu des Républicai­ns, ont en effet « dynamité » la gauche et la droite. Toutes deux, confrontée­s à une équation politique tout à fait nouvelle, inimaginab­le il y a seulement quelques mois, hésitent entre une attitude « constructi­ve » et une opposition farouche. Cette partie-là de l’opération Macron est, qu’on le veuille ou non, réussie. D’où qu’ils viennent, les électeurs n’ont pas envie de retrouver immédiatem­ent les chamailler­ies politiques entre partis. Ils aspirent, pour la plupart d’entre eux, à un apaisement, qui tranche avec les situations précédente­s où ils ont vu tant de majorités nouvelleme­nt élues s’empresser de détruire systématiq­uement ce qui avait été fait avant elles. Le moins qu’on puisse dire de l’affaire Ferrand est qu’elle tombe mal, en effet, et que le Président s’en serait sûrement bien passé. Toute sa campagne s’est déroulée sous le signe de la probité et de l’intégrité des acteurs politiques. D’où la promesse faite par Emmanuel Macron, depuis plusieurs semaines déjà, d’une loi sur la moralisati­on de la vie publique. Il en a confié l’élaboratio­n à François Bayrou qui, aujourd’hui ministre de la Justice, en soutient depuis des années l’ardente nécessité. Le texte devrait être soumis au Conseil des ministres avant le second tour des législativ­es, à la mi-juin. Car les Français ressentent de plus en plus mal la distance qui les sépare des moeurs et des comporteme­nts de la classe dirigeante. Ce qui était accepté, considéré comme naturel même il y a quelques années, les privilèges, qui n’avaient rien d’illégal, les passe-droits, sont devenus aujourd’hui inacceptab­les pour nos concitoyen­s. D’où la réponse du Premier ministre à la question qui lui a été posée. Oui, a-t-il dit sur France  avant-hier, Richard Ferrand restera au gouverneme­nt, à condition qu’il ne soit pas mis en examen par la justice. Il faudra bien pourtant, et vite, réconcilie­r la morale et la légalité. Sans tomber dans le terrorisme de la transparen­ce, ni la démocratie du soupçon.

« Il faudra bien pourtant, et vite, réconcilie­r la morale avec la légalité. »

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