La fin des privilèges
L’affaire communément appelée l’affaire Ferrand, du nom du député socialiste qui fut le premier parlementaire à rejoindre le mouvement d’Emmanuel Macron, et qui, des mois durant, a été, avec d’autres, l’artisan de son succès à la présidence de la République, est-elle en train de compromettre le pari essentiel du nouveau chef de l’État : disposer d’une majorité absolue au Parlement le juin prochain? Pour le moment, il ne le semble pas. Les premières projections sur les résultats des législatives prochaines continuent de marquer un avantage, dans la plupart des circonscriptions, des candidats investis sous l’étiquette La République en marche. Les premiers pas à l’Élysée d’Emmanuel Macron, son premier parcours parmi les grands dirigeants de ce monde au G, ses tête-à-tête musclés avec Donald Trump et Vladimir Poutine, et enfin sa visite d’encouragement, hier, aux ouvriers des chantiers de Saint Nazaire semblent avoir insufflé un peu d’optimisme dans la vie politique française, si heurtée ces derniers mois. Sa volonté de recomposer la vie politique française autour d’une position centrale, sa décision de placer à la tête de son gouvernement un Premier ministre, Edouard Philippe, venu des Républicains, ont en effet « dynamité » la gauche et la droite. Toutes deux, confrontées à une équation politique tout à fait nouvelle, inimaginable il y a seulement quelques mois, hésitent entre une attitude « constructive » et une opposition farouche. Cette partie-là de l’opération Macron est, qu’on le veuille ou non, réussie. D’où qu’ils viennent, les électeurs n’ont pas envie de retrouver immédiatement les chamailleries politiques entre partis. Ils aspirent, pour la plupart d’entre eux, à un apaisement, qui tranche avec les situations précédentes où ils ont vu tant de majorités nouvellement élues s’empresser de détruire systématiquement ce qui avait été fait avant elles. Le moins qu’on puisse dire de l’affaire Ferrand est qu’elle tombe mal, en effet, et que le Président s’en serait sûrement bien passé. Toute sa campagne s’est déroulée sous le signe de la probité et de l’intégrité des acteurs politiques. D’où la promesse faite par Emmanuel Macron, depuis plusieurs semaines déjà, d’une loi sur la moralisation de la vie publique. Il en a confié l’élaboration à François Bayrou qui, aujourd’hui ministre de la Justice, en soutient depuis des années l’ardente nécessité. Le texte devrait être soumis au Conseil des ministres avant le second tour des législatives, à la mi-juin. Car les Français ressentent de plus en plus mal la distance qui les sépare des moeurs et des comportements de la classe dirigeante. Ce qui était accepté, considéré comme naturel même il y a quelques années, les privilèges, qui n’avaient rien d’illégal, les passe-droits, sont devenus aujourd’hui inacceptables pour nos concitoyens. D’où la réponse du Premier ministre à la question qui lui a été posée. Oui, a-t-il dit sur France avant-hier, Richard Ferrand restera au gouvernement, à condition qu’il ne soit pas mis en examen par la justice. Il faudra bien pourtant, et vite, réconcilier la morale et la légalité. Sans tomber dans le terrorisme de la transparence, ni la démocratie du soupçon.
« Il faudra bien pourtant, et vite, réconcilier la morale avec la légalité. »