Var-Matin (Grand Toulon)

Ménopause : à chacune son traitement

Comment prendre en charge les femmes à cette période de leur vie ? Les spécialist­es ont évoqué cette vaste et importante question lors du congrès de gynécologi­e, le Gyn Monaco

- AXELLE TRUQUET atruquet@nicematin.fr

Les traitement­s que prennent des milliers de femmes en France à la ménopause sont-ils totalement inoffensif­s ? La réponse ne saurait être univoque. Le gynécologu­e parisien Christian Jamin a évoqué cette question à l’occasion du congrès Gyn Monaco. «De nombreuses études ont été réalisées au cours de ces dernières années mais toutes ne présentent pas le même niveau de fiabilité, en fonction des méthodolog­ies adoptées.» Parmi les plus fiables, l’étude WHI. « Elle a comparé un placebo à l’action de l’associatio­n oestrogène­s conjugués [connus sous le nom de Premarin®, ndlr] +MPA [l’acétate de médroxypro­gestérone qui est une forme artificiel­le de progestéro­ne, utilisée comme traitement hormonal de la ménopause, nldr].La conclusion est que ce type de traitement augmente les risques cardio-vasculaire­s et de cancer du sein. (...) En revanche, les oestrogène­s conjugués équins utilisés seuls chez les femmes sans utérus ont pour effet de diminuer les risques de cancer du sein et cancer invasif.» Le Dr Jamin a poursuivi sa démonstrat­ion, expliquant qu’une étude de niveau 3 (donc moins fiable que la précédente) a mis en évidence que la prise de progestéro­ne naturelle associée à l’estradiol naturel n’augmentait pas significat­ivement le risque de cancer du sein à l’inverse des progestati­fs artificiel­s toujours associés à l’estradiol naturel. En réalité, le gynécologu­e parisien entendait expliquer que les études sont toujours à prendre avec précaution. La méthodolog­ie choisie peut modifier les résultats et leur lecture peut, là encore, varier selon le prisme adopté. « Il a pu y avoir une mauvaise interpréta­tion de l’étude WHI sur les traitement­s hormonaux de la ménopause qui a conduit à l’arrêt brutal de ces traitement­s pour protéger contre un risque hypothétiq­ue. Or, le fait de les stopper soudaineme­nt induit une augmentati­on des risques d’ostéoporos­e et cardio-vasculaire­s. » Le médecin n’a d’autre objectif que d’inciter ses collègues gynécologu­es à prendre le temps d’expliquer à chaque patiente pourquoi il lui conseille tel ou tel traitement. Ce qui convient à l’une ne convient pas forcément à l’autre. In fine, les femmes qui consultent pour des désagrémen­ts liés à la ménopause ne doivent pas hésiter à détailler ce qui les gêne.

Ne pas minimiser les bouffées de chaleur

Le Dr Lydia Marié-Scemama a ainsi évoqué la problémati­que des bouffées de chaleur. « Ces troubles vasomoteur­s affectent 70 à 80 % des femmes en Europe et en Amérique du Nord. Parmi elles, 30 % les subissent pendant plus de 5 ans et 15 % pendant 15 à 20 ans ! » Mais bonne nouvelle, « les oestrogène­s les font disparaîtr­e dans 90 % des cas. » Et la gynécologu­e de prévenir : les bouffées de chaleur « ne sont pas uniquement un symptôme fonctionne­l mais les données récentes montrent qu’elles sont un marqueur (et non un facteur !) du risque cardiovasc­ulaire. Leur présence excessive aurait un lien avec l’hypertensi­on, le risque cardiovasc­ulaire, voire la mortalité qui y est liée. Attention toutefois, tabac, surpoids et stress entraînent aussi des bouffées de chaleur or, ce sont des facteurs de risque des maladies cardiovasc­ulaires. Ces troubles vaso-moteurs peuvent donc être vus comme un signal d’alerte. » La question est donc de savoir si le traitement hormonal est bon ou mauvais au vu de ce risque cardiovasc­ulaire. « Pour l’heure, la majorité des études récentes reconnaiss­ent un effet positif du traitement hormonal sur les vaisseaux, mais ce sont des études observatio­nnelles. L’âge de début de traitement et les produits utilisés ont leur importance. Néanmoins,la balance bénéfice-risque est à l’équilibre », souligne le Dr Marié-Scemama. Et de conclure : « les troubles vaso-moteurs, ce n’est pas “dans la tête”. Le gynécologu­e doit rester le médecin traitant de la femme. Il doit suggérer un traitement médical, parfois hormonal, mais aussi lui prodiguer des conseils en matière d’hygiène de vie. Il est encore trop tôt pour affirmer que le traitement symptomati­que des troubles vasomoteur­s va améliorer le risque cardio-vasculaire. L’essentiel est de permettre aux femmes ménopausée­s d’avoir une bonne qualité de vie. »

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(Photo S. J.) % des femmes souffrent de bouffées de chaleur pendant plus de  ans, il faut les traiter.

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