Var-Matin (Grand Toulon)

Cockerill, un tigre sans baume

Le manager toulonnais n’est pas du genre à passer de la pommade. Ancienne icône des Leicester Tigers, il a redressé le RCT par un discours et un jeu francs et directs. À son image

-

Plutôt qu’un « Tigre », Cockerill, ancien talonneur rugueux, serait finalement un chien. « Un pitbull » selon Alexandre Audebert, son coéquipier durant deux saisons (2002-2004) à... Clermont ; un « fox-terrier » d’après Laurent Travers, ancien talonneur qui l’a affronté avec Brive en finale de la Coupe d’Europe 1997 avant de le faire venir en Auvergne comme entraîneur. Bref, un talonneur internatio­nal (27 sélections entre 1997 et 1999) pénible, le numéro « B » de la redoutée première ligne de Leicester de la fin des années 90, « techniquem­ent pas très bon mais un gros meneur, qui avait tendance à réveiller les autres joueurs », poursuit pour Laurent Travers, qui l’avait justement fait venir à Clermont pour y apporter son « caractère et (sa) grosse personnali­té ». Ce qu’il a fait, même si Cockerill, aujourd’hui âgé de 46 ans, est tombé « au mauvais moment » dans un club « malade », rappelle Audebert.

« Un sale con de rosbeef, très entier sur le terrain »

L’ancien troisième ligne se souvient ainsi, avec affection, d’un « sale con de rosbeef, très entier sur le terrain, parfois trop ».« Il était toujours à fond, sans demimesure. Il fallait souvent le calmer, pour lui il n’y avait pas d’entraîneme­nt, que des matches. Il avait une rigueur, un côté jusqu’au-boutiste qui a fait sa force » ajoute Audebert. « Il était capable parfois de sortir de ses gonds, de se laisser emporter par son enthousias­me et son agressivit­é » complète Travers, actuel entraîneur des avants du Racing 92. Mais une fois les crampons rangés, le talonneur fort en gueule, « gros travailleu­r à l’anglaise, capable de faire la même chose pendant une heure sans poser de questions » dixit Travers, se transforma­it. En « bonhomme hyper discret, simple, adorable », bref « autant détesté et détestable sur le terrain qu’adorable »en dehors, raconte Audebert. « Il s’est fondu rapidement dans la vie de groupe » développe l’ancien troisième ligne. Notamment parce qu’il a fait l’effort de rapidement apprendre le français puisqu’il « partait du principe que comme il venait en France, c’était à lui de s’adapter et d’apprendre la langue » se souvient Travers. Cette connaissan­ce de la langue de Molière l’a aidé à Toulon, où il est arrivé en janvier comme consultant après avoir été évincé de Leicester, avant d’en prendre seul les commandes début avril à la suite du limogeage de son compatriot­e Mike Ford.

En adéquation avec l’ADN du RCT

« Il parle un peu français (contrairem­ent à Ford, Ndlr), c’est important pour les joueurs français » souligne le talonneur Guilhem Guirado, évoquant un entraîneur « assez franc, blagueur et malin pour faire passer son message ». Cockerill semble en tout cas avoir conquis son monde sur la Rade. Par ses résultats (six victoires en six matches depuis qu’il est seul aux commandes), le retour à un rugby direct « qui correspond plus à l’ADN du RCT », d’après le président Mourad Boudjellal pour qui la force d’un « entraîneur est d’être en adéquation avec le club », et son caractère. Rusé et malin « comme un talonneur », souligne Guirado, l’Anglais a non seulement séduit son président et ses joueurs, mais aussi les médias.

Par exemple en tenant sa promesse d’apporter des cafés avant un point presse, ou quand il répond à un journalist­e de l’AFP, un poil soucieux avant un entretien dans la langue de Shakespear­e, que « son anglais est meilleur que le sien ». Ou encore par des blagues en conférence de presse, comme lorsqu’il déclare, avant la demifinale gagnée contre La Rochelle (18-15), vouloir se qualifier pour profiter « d’une semaine de soleil en plus » avant de rejoindre la saison prochaine Edimbourg. Il l’a eue. Il lui reste maintenant un dernier défi à relever.

 ?? (Photos Luc Boutria/Dominique Leriche) ?? Quand il s’agit de rugby - et de encore plus d’une finale - Richard Cockerill perd son sens de l’humour légendaire. Seule compte alors la victoire.
(Photos Luc Boutria/Dominique Leriche) Quand il s’agit de rugby - et de encore plus d’une finale - Richard Cockerill perd son sens de l’humour légendaire. Seule compte alors la victoire.

Newspapers in French

Newspapers from France