Les Occidentaux ne tirent pas les leçons de leurs erreurs ”
Et pour cause ! Les pays occidentaux ont fait preuve, dans le meilleur des cas, d’une incompétence assez consternante dans l’analyse de la nature des problèmes des pays du sud de la Méditerranée. On l’a vu en Tunisie. On se souvient que lorsque la révolte a démarré contre Ben Ali, Michèle AlliotMarie (alors ministre des Affaires étrangères, Ndlr) avait proposé le savoir-faire de la police et des services de sécurité français pour mater la révolte tunisienne. Sans comprendre qu’il s’agissait d’une lame de fond contre une dictature qui devenait absolument insupportable pour l’immense majorité du peuple tunisien.
Et les exemples sont multiples ? Effectivement. La Libye est un autre exemple d’incompétence, sinon d’aveuglement, de la part des Occidentaux. La résolution des Nations Unies prévoyait une zone d’exclusion aérienne et le gel des avoirs de certains notables proches de Mouammar Kadhafi. L’Otan est intervenue sous cette couverture onusienne. Et la France a joué un rôle majeur dans cette affaire. Nicolas Sarkozy nous a donné l’impression d’en faire une affaire personnelle. Il a outrepassé le cadre tracé par la résolution et a fixé comme objectif le renversement de Kadhafi. Il y est parvenu. Le résultat de cette politique absurde, c’est le chaos libyen qui prévaut actuellement avec la montée des mouvements comme Al Qaeda et Daesh, la déstabilisation du Nord Mali, du Niger et pratiquement de tout le Sahel.
Idem pour l’Irak ? Exactement. Là encore, l’incompétence et l’aveuglement du président américain ont débouché sur une situation désastreuse. George W. Bush a répété à maintes reprises : « le monde sera plus sûr sans Saddam Hussein ». Le résultat de l’intervention militaire de a été l’inverse. Ça fait ans qu’on est dans cette situation de désordre et de guerre civile en Irak. Le pays a complètement éclaté. Le Kurdistan est déjà quasiment indépendant et ses dirigeants ont l’intention, à l’automne prochain, d’organiser un référendum en faveur de l’indépendance totale. Le reste du pays est divisé entre la partie chiite sous influence iranienne et une zone sunnite en proie à l’influence de Daesh.
Nos dirigeants ont-ils tiré les leçons de ces erreurs récentes répétées ? Non, et c’est ce qui est consternant ! Ils ne tirent pas les bonnes leçons de leurs erreurs et de leurs errements. Revenons à la Libye par exemple. Pour ne pas reconnaître leurs erreurs, ceux qui ont soutenu l’intervention de l’Otan attribuent le chaos actuel à un mauvais suivi. « On n’a pas appliqué la bonne politique après l’intervention militaire », entendon. C’est le discours de personnes refusant toute forme d’autocritique. La réalité est qu’ils se sont trompés. Lourdement ! Mais ils ne veulent pas assumer les conséquences de leurs erreurs et s’obstinent à dire qu’il fallait instaurer un ordre démocratique après intervention militaire.
Et ce n’est pas une bonne idée ? Ils oublient que la démocratie ne s’exporte pas avec des missiles et des chars. La démocratie est une culture et cette culture s’acquiert tout au long d’un processus d’apprentissage qui doit s’inscrire dans la durée. De plus, le système démocratique qu’ils veulent exporter en Libye, en Irak, en Afghanistan et ailleurs – à savoir la démocratie représentative – est en crise actuellement. Que ce soit en Europe ou en Amérique, la démocratie représentative traverse une crise profonde. Et de mon point de vue, ce système démocratique représentatif ne se remettra pas de cette crise. En voulant l’exporter, on exporte donc la crise. On ne fait qu’ajouter des problèmes aux problèmes structurels des pays du sud de la Méditerranée.
Saïf al-Islam, le fils de Kadhafi, récemment libéré, a-t-il encore un rôle à jouer en Libye ? Il pourrait avoir un rôle à jouer. D’une part parce Saïf al-Islam n’est pas n’importe qui dans la fratrie Kadhafi. C’est celui que son père pressentait pour lui succéder. Il était au courant de toutes les affaires politiques, financières et de tous les coups tordus du régime. C’était le bras droit de son père. D’autre part, c’est quelqu’un qui maîtrisait, qui contrôlait une partie de la fortune de l’État, pour ne pas dire de la famille Kadhafi, qui se