Var-Matin (Grand Toulon)

Trompe-l’oeil électoral

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Emmanuel Macron fait preuve depuis un an d’un tel savoir-faire électoral, sidérant de la part d’un homme qui jamais n’avait connu l’épreuve des urnes, qu’on peut imaginer que sa lecture du résultat du second tour des élections législativ­es ne l’abusera pas sur l’ampleur de la vague qui le porte. Certes, son mouvement En Marche ! devrait remporter un succès magistral et lui offrir une majorité écrasante à l’Assemblée nationale. Même si six Français sur dix affirment qu’ils souhaitent rééquilibr­er les choses ce dimanche, il est probable que le scrutin confirmera le premier tour. Les surprises devraient être marginales, limitées à quelques individual­ités et ne pas remettre en cause le pari du Président, c’est-à-dire disposer d’une large majorité absolue pour imposer ses réformes. Peutêtre fera-t-il même coup double et réussira-t-il à ne pas dépendre de ses alliés, notamment le MoDem de François Bayrou, pour obtenir la majorité à l’Assemblée. Bref, un coup de maître en perspectiv­e qui lui laisserait les mains libres pour engager sa politique. Sa toute puissance ne devrait pas, pour autant, brouiller sa lucidité. Tout d’abord, disposant des pleins pouvoirs, il sera l’unique responsabl­e de son action devant le pays. Il engrangera pour son propre compte les succès mais devra aussi assumer les échecs ou les difficulté­s qui, il ne peut en douter, surviendro­nt un jour ou l’autre. Même son Premier ministre ne peut être qu’un mince fusible tant ce triomphe est le sien. Bref, si la macromania venait à se transforme­r en macrophobi­e, il serait seul face au pays car ses troupes sont certes fraîches mais peu connues et sans passé pour rassurer l’opinion. Tel est le revers d’un pouvoir quasi absolu. Par ailleurs, le chef de l’État sait bien que l’ampleur de sa victoire ne peut masquer un fait : sa base électorale est faible. Un peu plus de  % des inscrits au premier tour de la présidenti­elle et de  % aux législativ­es. Par la magie du scrutin majoritair­e et grâce à la déconfitur­e, qu’il a su provoquer et exploiter, de la gauche et de la droite, Emmanuel Macron se retrouve très puissant mais, au fond, assez mal élu. Plus de huit électeurs sur dix ne sont, en fait, pas macronisé. Notamment dans l’électorat populaire qui s’est massivemen­t abstenu au premier tour des législativ­es après avoir voté pour les extrêmes à la présidenti­elle. Bref, une part de ce très grand succès est en trompel’oeil. Cette situation rend d’autant plus nécessaire la réussite présidenti­elle. Emmanuel Macron n’a pas le droit d’échouer car, si ce malheur advenait, il serait accompagné de très grands troubles sociaux et politiques, d’autant plus dangereux que plus aucune force, sauf extrémiste, ne pourrait les canaliser. L’échec de François Hollande a conduit  millions d’électeurs à voter Front national. Emmanuel Macron le sait. Il a donc l’ardente obligation de remettre, maintenant, le pays en marche.

« Si la macromania venait à se transforme­r en macrophobi­e, il serait seul face au pays. »

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