Var-Matin (Grand Toulon)

Une octogénair­e maltraitée à Cannes : deux ans ferme

- GRÉGORY LECLERC gleclerc@nicematin.Fr

Le matelas répugnant du petit studio du Cannet, couvert d’urine et d’excréments, se retrouvait fréquemmen­t à sécher sur le balcon. Agressant, sans surprise, l’odorat des voisins. L’intérieur du logement était à l’avenant. Crasseux, voire répugnant. Dans le frigo, quasi vide, un poisson périmé. Voici dans quelles conditions Marcel Zinno, 59 ans, faisait vivre et dormir une octogénair­e quasi impotente. Et pas n’importe quel logement, mais celui de la malheureus­e ! Le prévenu, lui, prenait soin de ne pas utiliser cette couche infâme. Certains voisins le décrivaien­t pourtant comme « gentil », «aimable». Ton posé, chemise à carreaux, il comparaiss­ait hier pour «violences habituelle­s sur une personne vulnérable » devant le tribunal correction­nel de Grasse. Cette femme il l’aurait rencontrée par hasard il y a six ans dans un parc.

L’homme squattait depuis six ans

À la barre, ce Parisien de naissance se présente un peu comme le protecteur de cette grabataire sans famille proche. « Je m’occupais très bien d’elle.» S’il comparaiss­ait hier, c’est pourtant qu’un automobili­ste a vu Marcel Zinno, le 5 mai dernier à Cannes, traîner la malheureus­e par le nez dans la rue et la gifler par deux fois. Il sera interpellé quelques minutes plus tard. Comme trop souvent, la justice a hier côtoyé le sordide. La dame est bossue, incontinen­te, diabétique, et ne jouit pas de toutes ses facultés mentales. Présentant des marques de violence, elle a depuis été prise en charge en milieu hospitalie­r. Interrogée, elle ne se souvient même pas de son prétendu bienfaiteu­r, ni de comment il s’est retrouvé à faire, comme le coucou, son nid chez elle.

Captation d’héritage ?

L’enquête a révélé que l’homme, sans lien de parenté, squattait depuis six ans. La découverte d’un confortabl­e pécule de 400 000 euros sur le compte en banque de la dame a rendu la justice suspicieus­e. Marcel Zinno, qui dit avoir été comptable, espérait-il rafler la mise ? Il retirait 1200 euros par mois sur le compte de la vieille dame, «pour les courses ». L’homme n’est pourtant pas sans ressources. Chaque mois, il touche 1 000 euros de loyer d’un appartemen­t lui appartenan­t dans la capitale. Pour explorer la voie d’une possible tentative de captation d’héritage, une enquête incidente a été ouverte pour des faits «d’abus d’ignorance ou de faiblesse». Elle est toujours en cours. Détraqué ou manipulate­ur ? Marcel Zinno se baladait avec la culotte d’une autre femme dans la poche arrière de son short. «Elle avait une valeur, c’est du fétichisme », affirme-t-il à la barre. Il dément toute violence contre l’octogénair­e. « Je la laissais parfois pour aller faire une course, elle a pu se blesser seule.» À l’audience, Marcel Zinno sourit franchemen­t des accusation­s. Ce qui fait bondir le président, Marc Joando : «Arrêtez-vous de suite, les faits sont graves. » Le procureur, évoquant une « atteinte à la dignité humaine», a requis deux ans avec maintien en détention. «Ilnesait pas reconnaîtr­e qu’il n’arrive pas à s’occuper d’elle, a plaidé Me Sandrine Zepi pour sa défense. Il n’a pas pris la mesure de la dégradatio­n de son état de santé en six ans. » Le tribunal n’entendra pas l’argument et suivra les réquisitio­ns. Le coucou va devoir refaire son nid en prison.

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