Décret-plage : le préfet des AM choisit la manière forte
Georges-François Leclerc l’annonce d’emblée : « J’ai une conception plutôt discrète de ma fonction. Ne comptez pas sur moi pour répondre aux provocations et alimenter les polémiques.» Nommé contre toute attente préfet des Alpes-Maritimes en novembre 2016 pour succéder à Adolphe Colrat, cet énarque de 50 ans a accordé à Nice-Matin sa première interview. « Je ne communique pas, j’informe », précise-t-il pour justifier sa réserve qui semble être, chez lui, comme une seconde nature. Sorti de l’ENA en 1991, ce Bourguignon a notamment été directeur adjoint du cabinet de la ministre de l’Écologie Roselyne Bachelot en 2002, préfet de l’Aude en 2010, directeur-adjoint du cabinet du ministre de l’Intérieur Claude Guéant en 2011-2012 puis préfet de Haute-Savoie. Les échéances électorales étant passées, le représentant de l’État a accepté d’aborder des sujets hautement sensibles(à lire dans nos éditions des Alpes-Maritimes, parues mercredi), dont un qui intéresse tout particulièrement les Varois : le « décret-plage », sur l’application duquel il a une vision particulièrement stricte. Le préfet Leclerc aime à se présenter comme un humble serviteur de l’État tout en étant, affirmet-il, doté d’une détermination sans faille. Il en faudra pour faire respecter le droit dans une région où d’aucuns s’ingénient à le tordre. Certains préfets s’y sont cassé les dents. Georges-François Leclerc veut croire qu’en toute discrétion, avec le sourire, il fera appliquer la loi.
Vous avez décidé de faire le ménage sur le domaine public maritime ? Je n’aime pas cette expression « faire le ménage ». Le domaine public maritime est le bien de la nation. Je vais donc faire respecter le fameux «décretplage ». Il permet des installations sur le domaine public maritime. Allez sur la promenade des Anglais, vous y verrez des établissements qui respectent scrupuleusement ce décret. Pourquoi ne pourrait-on pas faire de même ailleurs ?
Les plagistes, même à Nice, se passeraient bien de ce décret qui réduit les surfaces concédables… Ce décret est ce qu’il est. Et un préfet est avant tout le serviteur de la loi. Je le fais donc appliquer. Progressivement, avec le sourire et en maintenant un haut niveau de dialogue. Car il faut savoir que j’ai reçu ceux qui, du côté de Vallauris, aujourd’hui critiquent mes méthodes dans vos colonnes.
Ce sont souvent des établissements emblématiques de la Côte. Même Robert De Niro a volé au secours de l’un d’eux pendant le Festival. N’y a-t-il pas aussi un risque économique ? L’argument économique, je l’entends. J’ai d’ailleurs fait une proposition aux personnes auxquelles vous faites allusion qui aurait pu leur permettre de continuer à exploiter leur établissement. Ils ne l’ont pas accepté. Ils ont sans doute été mal conseillés. J’ai donc demandé à la justice de trancher le litige. C’est tout. Il y a donc des alternatives à la destruction ? Il faut que les établissements soient démontables. Ensuite, le texte prévoit que les concessions soient attribuées au travers d’un appel d’offres organisé par la mairie. Il faut que ces personnes acceptent de s’y soumettre elles aussi. Parce que force sera donnée à la loi à chaque fois que le tribunal administratif reconnaîtra qu’il y a contravention de grande voirie.
Y a-t-il plusieurs actions pendantes? Quels sont les établissements concernés ? Je ne citerai aucun nom. Mais il va y avoir beaucoup, je dis bien beaucoup, d’opérations au cours desquelles je vais constater ce qui me paraît être une infraction. Et à chaque fois que le tribunal administratif reconnaîtra qu’il y a bien contravention de grande voirie, nous procéderons à des démolitions, s’il le faut.
Est-ce que cela vaut aussi pour les propriétés privées, les pontons ou les ports privés qui ont pu y être aménagés ? Il n’y a aucune raison de limiter la politique que je mets en oeuvre aux établissements de plage. À chaque fois, nous démonterons. Il y a d’ailleurs des opérations qui sont d’ores et déjà programmées. Y compris sur la presqu’île des milliardaires ou le Cap d’Antibes ? Je ne citerai pas de cap, de péninsule ou de presqu’île, mais à chaque fois que des installations permanentes ont débordé sur le domaine public maritime, je ferai respecter la loi. Parce que le domaine public maritime est la propriété de la nation.
Avec potentiellement une difficulté financière? Car lorsque le propriétaire ne s’exécute pas c’est l’État qui se substitue… Nous ne faisons que l’avance et nous nous retournons systématiquement contre le propriétaire. Ce ne sera en tout cas pas un frein à notre détermination. Calme mais méthodique. Rien ne nous empêchera d’aller au bout…
Même pas des raisons diplomatiques ? Beaucoup de ces résidences appartiennent à des milliardaires, voire à des chefs d’État étrangers… Je suis sûr qu’ils auront à coeur de respecter la loi. En tout cas, en France, il y a un principe fondamental qui est celui d’égalité. Et ce principe d’égalité régit l’action publique. J’aurai donc une démarche égalitaire.