Var-Matin (Grand Toulon)

Les cinq enseigneme­nts du procès Cannes-Torcy

Deux mois de débats hors normes, aux assises spéciales de Paris, ont conduit à 18 condamnati­ons à des peines d’un an à 28 ans de prison. La cour a motivé son verdict avec force arguments

- CHRISTOPHE CIRONE ccirone@nicematin.fr

La porte de la somptueuse salle s’est refermée une dernière fois, hier, au palais de justice de Paris. Avec l’audience civile, la cour d’assises spéciale a clôturé le procès de la cellule terroriste CannesTorc­y. Plus de deux mois de procès hors normes, passionnan­t, souvent instructif et inquiétant. Jeudi, à 23 heures passées, les jurés profession­nels ont rendu un verdict qui aura mis douze heures à se dessiner. Et qui fera date. En condamnant dix-huit accusés à des peines allant d’un an de prison à 28 ans de réclusion criminelle, la cour a écrit la première page judiciaire des grandes affaires djihadiste­s des années 2010. Après Merah, mais avant Charlie, l’Hyper Casher et le 13-Novembre, cette équipe-là n’a pas tué. Mais les motivation­s de la cour ne laissent aucun doute sur ses funestes desseins.

. L’idéologie violente

Dans sa feuille de motivation de 27 pages, la cour présidée par Philippe Roux décrit «une entente de personnes qui ont adhéré à une idéologie religieuse radicale et violente, autour d’une thèse commune favorable au djihad armé» .Cegroupea conçu des attaques en France contre « des cibles différente­s (...), mais dont le point commun est d’être considérés comme des ennemis de l’islam ». La cour constate une « fascinatio­n pour le djihad » et une « admiration pour les figures du terrorisme internatio­nal ». Elle se fonde sur l’exploitati­on des téléphones et ordinateur­s, les déclaratio­ns des proches, l’abondante littératur­e djihadiste saisie, leurs armes et, surtout, leurs actes. « Le but poursuivi n’est autre que de troubler gravement l’ordre public par l’intimidati­on ou la terreur (...) en commettant des actions violentes pour s’en prendre à l’intégrité de personne humaine ».

. L’attaque à Sarcelles

Le 19 septembre 2012, deux individus lançaient une grenade dans une épicerie casher à Sarcelles, avec l’intention « de tuer ou de blesser un maximum de personnes ». L’ADN retrouvé sur la cuiller de la grenade était celle de Jérémie Louis-Sidney, leader fanatique abattu par la police. Mais c’est son « bras droit » ,Jérémy Bailly, qui a été identifié comme le lanceur de bombe. Luimême a accusé Kevin Phan, le chauffeur des terroriste­s. Sans surprise, Bailly a néanmoins écopé de la plus lourde peine : 28 ans de réclusion criminelle. Mais il échappe à la perpétuité, que réclamait l’avocat général Philippe Courroye.

. Les cibles militaires dans le Var

Tout est parti d’un renseignem­ent anonyme. Il aura ensuite fallu une solide enquête policière, avec la participat­ion active de la PJ de Nice, pour contrer ce projet d’attaque. Lors de l’été cannois de la bande, quelques mois après les tueries de Toulouse et Montauban, certains membres envisageai­ent «d’attaquer des soldats français sur le territoire national, en représaill­es à une éventuelle interventi­on de la France au Mali ». Des repérages seront effectués « aux abords des sites militaires de Fréjus et Draguignan ». Un pistolet-mitrailleu­r Scorpio sera acheté en 2013 à Marseille, puis stocké à Mougins. Le projet capotera avec une série d’interpella­tions de 2013.

. Les séjours en Syrie

Parmi les douze accusés cannois, trois ont gagné la Syrie « pour s’engager dans la lutte contre le régime ». Pour la cour, « partir en Syrie et y intégrer un groupe djihadiste pour combattre traduit l’adhésion aux buts poursuivis par l’organisati­on terroriste et la volonté de participer (...) à son projet djihadiste. » Or celui-ci «passe automatiqu­ement par l’emploi d’exactions et de procédés de nature terroriste visant directemen­t les personnes humaines. » Ibrahim Boudina a beau nier avoir intégré les rangs de l’EI, Jamel Bouteraa a beau invoquer des motifs humanitair­es, tous deux écopent de lourdes peines : 20 et 18 ans de réclusion. Soit les réquisitio­ns de Philippe Courroye, sans la période de sûreté. Rached Rihai, lui, n’est pas rentré des zones de guerre.

. Les projets avortés

Décrivant un groupe « sous l’influence » de Jérémie Louis-Sidney, puis Jérémy Bailly, la cour constate que la cellule Cannes-Torcy « a eu la volonté de commettre des actions violentes s’inspirant du modèle de Mohamed Merah ». La bande a confection­né des engins explosifs «similaires à ceux utilisés par le GIA lors de la campagne de terreur de 1995 », qu’elle les a «testés dans la région cannoise et à Torcy en 2012 ». Parmi les cibles : la communauté juive, des McDonald’s, mais aussi des buralistes vendant… Charlie Hebdo. Autant de signes annonciate­urs des tueries qui endeuiller­ont la France par la suite.

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(Photo C. C.) Au palais de justice de Paris, près de la salle d’assises.

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