Var-Matin (Grand Toulon)

« J’y crois à fond »

- PROPOS RECUEILLIS PAR TONY DAVID

Wesley Fofana aurait pu être à Johannesbu­rg aujourd’hui, s’apprêtant à disputer un troisième test-match face à l’Afrique du Sud. Mais depuis sa terrible blessure au tendon d’Achille en janvier dernier, le centre de Clermont est toujours en convalesce­nce. Alors qu’il vient d’achever sa troisième semaine de rééducatio­n au CERS (Centre européen de rééducatio­n du sportif) de Boulouris, l’internatio­nal français (44 sélections) a pris un peu de son temps pour évoquer sa blessure, son retour (en octobre prochain), mais aussi l’équipe de France et le Mondial 2019.

Comment allez-vous ? Je me sens très bien. Il y a eu une énorme évolution entre le moment où je suis arrivé et maintenant. Si j’avais su que cela se passait comme ça, avec le cadre qu’il y a ici, je pense que j’aurais essayé de venir avant.

Vous avez croisé d’autres sportifs ? Il y a deux-trois rugbymen (le talonneur du Stade Français Laurent Sempéré notamment, Ndlr), des footballeu­rs, des athlètes… Mais aussi des personnes qui ont eu des accidents de la route ou domestique­s. Cela fait relativise­r par rapport à notre métier et à nos blessures.

Mentalemen­t, comment gérezvous cette blessure ? Il y a eu un gros moment difficile pendant les phases finales, car tu ne vis pas le truc à  % avec tes coéquipier­s, et c’était assez dur à vivre. Mais pour tout le reste, je pense avoir bien géré la chose. On est en juin et c’est passé plutôt vite.

Vous avez réussi à regarder les finales de Clermont ? J’étais dans le stade… Avec un double sentiment. Un sentiment de pur bonheur en voyant les potes ramener ce bouclier sept ans après, pour le staff pareil. C’est un accompliss­ement. Après, ça redescend très vite, parce que même si tous tes potes te disent « t’es champion de France », etc, il manque un petit quelque chose pour savourer la victoire. Vous avez suivi les matchs du XV de France ces dernières semaines ? Je les ai regardés, oui…

Deux lourdes défaites… (- et - face aux Springboks, Ndlr) Les tournées en juin sont toujours compliquée­s. On arrive fatigués, après un championna­t extrêmemen­t difficile, certains mecs sont éliminés depuis un moment, d’autres viennent de gagner le championna­t et n’ont pas pu le fêter, d’autres ont la tête au fond du trou après avoir perdu… Et on arrive dans des pays où les mecs sont en pleine bourre, comme lorsqu’ils viennent nous jouer en novembre. Les scores que l’on voit en juin ne sont souvent pas représenta­tifs de notre niveau individuel et collectif. L’ancien clermontoi­s Olivier Magne parlait d’une « faible compréhens­ion du jeu » des joueurs français… Franchemen­t, c’est difficile d’entendre ces choses-là d’un ancien joueur. Il a vécu des choses, il a joué à une autre époque, aussi. C’était un très grand joueur, il n’y a aucun problème. Mais juger comme ça… Je ne sais pas s’il se rend compte de la difficulté du championna­t aujourd’hui, d’enchaîner avec la difficulté de la coupe d’Europe, la difficulté des matchs internatio­naux… Ça fait beaucoup de matchs de très haut-niveau. Le corps doit encaisser cela.

Les critiques ne sont pas justes ? Avec le joueur qu’il a été, je pense qu’il peut apporter autre chose plutôt que de critiquer ainsi. Cela ne fait pas plaisir de voir la France prendre  points en Afrique du Sud, mais il y a aussi des raisons. La compréhens­ion du jeu ? Je ne pense pas que l’on soit plus débiles que les autres nations et que l’on comprenne moins le rugby qu’eux. Mais il y a des choses à faire qui prennent du temps et je suis sûr qu’il le sait au fond de lui. C’est dommage…

La France est sur la bonne voie avec le sélectionn­eur Guy Novès ? Bien sûr. On a tout de même vu des super matchs depuis le début de son mandat. Effectivem­ent, il n’y a pas les victoires, la finition, mais on ne peut pas tout avoir d’un coup. On a une équipe superbe, je trouve, on joue très bien, mais il faut gagner. C’est sûr que si après chaque match, chaque défaite, chaque victoire pas belle, on se fait taper sur la tête, c’est difficile…

Vous pensez rattraper le retard sur l’Angleterre ou d’autres nations, d’ici au Mondial  ? Je l’espère. Les Anglais étaient en reconstruc­tion totale il n’y a pas si longtemps. Ils sont arrivés avec une nouvelle génération et quelques anciens, ils ont perdu énormément de matchs, ils se sont sûrement fait taper dessus aussi, mais ils ne sont pas sortis de leur objectif. Aujourd’hui, c’est l’une des meilleures nations du monde. Faisons abstractio­n de tout ce qu’il se dit, travaillon­s. Moi j’y crois à fond. C’est sûr que ça m’embête, pour ne pas dire autre chose, quand j’entends des journalist­es ou surtout des anciens joueurs ne pas tout faire pour que l’équipe de France aille de mieux en mieux.

Point positif, une jeune génération arrive avec notamment le centre clermontoi­s Damian Penaud… On a besoin de leur fraîcheur. Il y a des talents exceptionn­els comme Baptise (Serin) qui s’est révélé, Damian (Penaud) ,etilyen a encore beaucoup d’autres… Le haut niveau c’est « facile » d’y arriver, mais le plus dur c’est de durer, quand les saisons s’enchaînent… On a besoin que ça dure dans le temps, et pourquoi pas jusqu’à la coupe du monde . Si on a que des Damian Penaud dans une telle forme, qu’est-ce qu’il va nous arriver ?

Après cette blessure, allez-vous moins tirer sur la corde ? Oui. On en a discuté avec Franck (Azéma, l’entraîneur de Clermont), qui veut aller dans cet état d’esprit-là. Il protégera certains éléments pour des matchs importants, il veut avoir certains joueurs à des moments clés. Il y a un turnover qui est déjà en place à Clermont et qui sera encore plus poussé dans les années à venir. Forcément, les joueurs qui prennent de l’âge, qui ont été beaucoup utilisés, commencent à se connaître et il faut aussi s’écouter de temps en temps.

Cela ne fait pas plaisir de voir la France prendre  points” Je ne pense pas que l’on soit plus débiles”

Comment voyez-vous la saison prochaine ? Le championna­t est de plus en plus difficile. Les équipes s’arment de plus en plus, les joueurs sont de plus en plus costauds – ce qui n’est pas une chose à laquelle j’adhère – mais c’est le rugby d’aujourd’hui qui veut ça. C’est de plus en plus difficile, long, disputé. On continue d’aller dans ce chemin, malheureus­ement ou non, je ne sais pas. Attendons de voir ce qu’il se passe. Mais là, on va dans une direction un peu dangereuse…

 ?? (Photos Frank Muller) ?? Wesley Fofana sur la terrasse du CERS de Saint-Raphaël. Un lieu choisi par son club, Clermont, pour la rééducatio­n de l’internatio­nal tricolore au mois de juin. En bas, Fofana travaille la propriocep­tion.
(Photos Frank Muller) Wesley Fofana sur la terrasse du CERS de Saint-Raphaël. Un lieu choisi par son club, Clermont, pour la rééducatio­n de l’internatio­nal tricolore au mois de juin. En bas, Fofana travaille la propriocep­tion.
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