Var-Matin (Grand Toulon)

Assises : vingt-deux ans ou l’acquitteme­nt pour Linda

Accusée par son amant d’avoir commandité le meurtre de son mari à La Garde en 2011, Linda Oucimi clame son innocence. Verdict aujourd’hui devant la cour d’assises d’appel des Alpes-Maritimes

- CHRISTOPHE PERRIN chperrin@nicematin.fr

Elle était autrefois une jolie femme, mère de deux adorables petits garçons, assistante de direction très appréciée de son employeur. Elle est aujourd’hui, à 40 ans, une « morte-vivante » dont la pâleur du visage accentue les yeux cernés. Elle entoure sa taille de ses bras comme pour se protéger du climatiseu­r et des terribles accusation­s qui pèsent sur elle. Me Massuco, son avocat, persuadé de son innocence, a demandé à Me Dupond-Moretti de venir l’épauler. Deux pénalistes ne sont pas de trop tant les attaques se concentren­t sur cette femme à qui l’on prête un plan machiavéli­que destiné à se débarrasse­r de son mari.

« Pacte criminel »

L’avocat général Olivier Couvignou, le magistrat de l’accusation, a requis contre elle 22 ans de réclusion. Même peine à l’encontre de Kamel Belladjimi, 35 ans, son amant, qui le soir du 2 octobre 2011 à La Garde, a abattu d’un tir de fusil à pompe Hichem Ben Brika, le mari gênant. Le tueur avait dans un premier temps endossé seul la responsabi­lité de ce crime. Cinq mois plus tard, il incriminai­t Linda, son ex-compagne. «Je ne demande ces peines ni par vengeance ni par préjugé, affirme l’avocat général Couvignou. Elles sont le prix d’une vie humaine et de l’abjection de ce pacte criminel. Le geste froid d’un homme de main qui est parti méthodique­ment donner la mort comme d’autres livrent des pizzas.» L’accusation se fonde notamment sur les appels post-mortem des deux amants, sur un morceau de papier griffonné de la main de Linda avec une adresse, l’immatricul­ation du fourgon d’Hichem, son numéro de téléphone et sa photo. «C’est le mandat criminel», s’exclame l’avocat général. Sur le banc de la défense, les avocats ne cachent pas leur indignatio­n. Plus tôt dans ce sixième jour de procès, Linda a dû subir les coups de boutoir de Me Pin, avocat des parents de la victime, qui égrène «la liste des mensonges de Linda». La partie civile parle d’«un plan minutieuse­ment préparé»:« Onadumalà comprendre que Belladjimi tire sur quelqu’un qu’il ne connaît pas. Sauf si ce qu’il dit est vrai.» Depuis cinq ans, l’assassin fou d’amour, ex-vigile, persiste en ces termes: «Je ne balance pas, je remets les choses à leur place.»

« Tandem infernal »

Me Malaga, l’avocate de Belladjimi est l’une des plus virulentes contre Linda: «Ses mensonges sont les fers qu’elle porte aux chevilles.» «Dans ce tandem infernal, c’est elle qui donne le top départ à Kamel. C’est lui le bras armé de la tragédie à défaut d’en être le cerveau.» Belladjimi pensait que c’était la femme de sa vie. Il était prêt à tout. La défense de Linda n’en disconvien­t pas mais démonte point par point les charges retenues contre leur cliente. Un travail de démolisseu­r méthodique, pierre après pierre, entamé il y a six jours. «Les talkies-walkies évoqués par Kamel pour le top départ ? Une pure invention. Le mot de la main de Linda? Il ne correspond à rien. Ce n’est pas l’adresse d’Hichem qui y figure mais celle de ses parents. De supposées dettes? Aucune», détaille Me Massuco. «Il y a quoi comme mobile?» tonne Me Dupond-Moretti, rouge de colère. Le ténor parisien est persuadé que Belladjimi, «gros jaloux, gros macho», a voulu jouer le fier-à-bras. Alors que le couple Ben Brika avait lancé la procédure de divorce, l’amant ne supportait plus de savoir Hichem vivre encore avec celle qu’il considérai­t comme la femme de sa vie. «Et quand il découvre qu’il a fait tout ça pour une garce qui ne veut plus le voir, alors il se lâche», analyse Me DupondMore­tti. «Il y a 1945 jours qu’elle clame son innocence, souligne l’avocat de la défense en fixant les jurés. La preuve de la culpabilit­é de cette femme n’est pas rapportée. Je vous demande d’en tirer toutes les conséquenc­es.» Le verdict est attendu dans la journée.

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(Photo Ch. Perrin) Me Bertrand Pin, avocat des parents d’Hichem Ben Brika, est persuadé que Linda a pris une part active au meurtre de son mari.

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