Var-Matin (Grand Toulon)

Une suspicion d’abus sexuel enflamme l’aide à l’enfance

Des fonctionna­ires de la délégation générale aux solidarité­s du Var ont dénoncé leur manque de moyens. Le détonateur : un cas d’abus sexuel présumé dans le centre départemen­tal de l’enfance

- SIMON FONTVIEILL­E sfontvieil­le@nicematin.fr

Sur le parvis du conseil départemen­tal, dans l’avenue des Lices, ils sont plusieurs dizaines, hier, à être en grève, emmenés par la CGT et la CFDT. Il est 10 heures et la liste des doléances et des dénonciati­ons des travailleu­rs sociaux, animateurs et autres assistante­s sociales de l’Aide sociale à l’enfance (ASE) et de la Protection maternelle infantile (PMI) est longue. Mais c’est une histoire bien particuliè­re qui a mis le feu aux poudres. Si l’on en croit le bureau du procureur de la République, le Départemen­t a dénoncé il y a trois semaines, au parquet de Toulon, un cas d’attoucheme­nt sexuel sur une fillette de 12 ans par un employé. La scène se serait déroulée au Centre départemen­tal pour l’enfance (CDE) du Pradet. Le parquet a ordonné une enquête préliminai­re confiée à la brigade des mineurs.

Pavé dans la mare

« Clairement, c’est la goutte d’eau qui a fait déborder le vase ! Et tant pis si ça jette un pavé dans la mare », explose Sophie (1), une travailleu­se sociale de l’ASE de Toulon. « Il y a même une collègue qui est partie en burn-out avec cette histoire. On envisage de porter plainte contre le Départemen­t pour manquement et de faire réaliser un audit des services par un cabinet indépendan­t. »Àen croire Emma (1), une employée de l’aide sociale toulonnais­e, «des cas de maltraitan­ces, notamment sexuelle, il y en a dans toutes les Maisons d’enfants à caractère social (MECS). Ça peut être entre mineurs, ou bien plus rare, entre le personnel encadrant et des mineurs… » Qu’il s’agisse d’enfants dormant parfois sur des matelas à même le sol ou de petits ballotés de centres en foyers, cette maltraitan­ce prendrait plusieurs formes. « Au CDE du Pradet, il y a des enfants qui ont été déplacés deux ou trois fois en l’espace de deux mois », continue Sophie. « Et à la Pouponnièr­e, une partie du CDE qui s’occupe des bébés, il y a un problème de places. Ce qui fait qu’on met ces bébés dans des familles d’accueil avant de les placer à la Pouponnièr­e… C’est de la maltraitan­ce institutio­nnelle. » D’autres grévistes évoquent des décisions de placement ordonnées par la justice, mais inapplicab­les faute de places… Aux dires des fonctionna­ires massés devant les portes du Conseil départemen­tal, une telle « maltraitan­ce institutio­nnelle » a une origine claire : l’absence d’adéquation entre l’explosion ou la complexifi­cation des cas traités et les moyens consacrés à l’enfance par les pouvoirs publics. « À Toulon, on a eu 500 mesures de placements en 2016, ce n’est pas vraiment plus que d’habitude, mais avec la baisse des subvention­s pour les associatio­ns ou aux pédopsycho­logues, le travail de terrain est beaucoup plus difficile », glisse Bernard (1), de l’ASE toulonnais­e. Des fonctionna­ires venant d’autres coins du départemen­t dressent le même tableau. « À Brignoles, entre 2013 et 2016, le nombre d’interventi­ons est passé de 130 à 320, mais on est toujours 16 ! », affirme Jean-Claude (1), de l’ASE brignolais­e. À La Seyne, Brigitte, seize ans de métier, souligne des « problèmes de plus en plus durs » du fait d’une société se précarisan­t. Au niveau de l’organisati­on du travail, burn-out et turnover seraient le lot commun des équipes de l’ASE. «À Toulon, on est 30, mais 75 % de l’équipe ont été renouvelés en deux ans… Il y a un ras-le-bol général… », gémit Bernard.

Pas d’entrevue

Ces plaintes et revendicat­ions de quelque 200 agents grévistes – à en croire la CGT – devaient être portées aux responsabl­es du Départemen­t à 15 h. Mais, alors que les salariés ont voulu envoyer une délégation de 35 personnes, la direction ne comptait en recevoir qu’une douzaine, afin de « permettre d’aborder sereinemen­t les revendicat­ions des personnels ». Faute d’accord, aucune entrevue n’a eu lieu. Après un long bras de fer, elle doit finalement avoir lieu ce matin, à 9 h 30, avec une délégation du personnel de… 35 personnes. Contactés afin de répondre aux accusation­s de mauvaise gestion des salariés et à l’affaire de la fillette abusée sexuelleme­nt, les services du Départemen­t se sont bornés à souligner la nontenue de l’entrevue avec les grévistes et la non-communicat­ion « sur des affaires en cours auprès de la justice ». 1. Les prénoms des fonctionna­ires grévistes ont été modifiés.

 ?? (Photo : S.F.) ?? Plusieurs dizaines de grévistes sont restés toute la journée devant le conseil départemen­tal.
(Photo : S.F.) Plusieurs dizaines de grévistes sont restés toute la journée devant le conseil départemen­tal.

Newspapers in French

Newspapers from France