L’architecture d’intérieur booste l’économie locale Interview
Design Parade Toulon a frappé les trois coups du Festival international d’architecture d’intérieur, jeudi. Son créateur Jean-Pierre Blanc le pousse vers un ancrage local fort
La création et l’économie peuvent faire bon ménage. Un homme le démontre depuis plus de trente ans à Hyères. JeanPierre Blanc, directeur de la Villa Noailles, inventeur du Festival de mode et de photographie, créateur de Design Parade Hyères et Toulon, et initiateur, depuis deux ans, du Festival international d’architecture d’intérieur, veut inscrire la création comme un moteur majeur de l’économie locale. Alors que le Festival se poursuit autour d’expositions jusqu’au 24 septembre dans différents lieux toulonnais, les journées professionnelles se sont déroulées de jeudi à dimanche dans la capitale varoise, avec notamment un concours d’architecture d’intérieur qui consiste en l’aménagement d’une pièce à vivre.
À qui s’adresse le concours d’architecture d’intérieur ? Plutôt à des jeunes fraîchement sortis de l’école.
Comment financent-ils leur participation ? Nous leur donnons un budget de € à chacun. Ce n’est pas grand-chose, mais ce n’est pas mal non plus. Ils peuvent nous demander d’acheter ou de louer du mobilier, de trouver par exemple, une chaise, un canapé… Nous faisons alors appel à notre réseau de partenaires, tous azimuts. Il y a un certain nombre d’entreprises locales qui sont partenaires de Design Parade Toulon. Ça va du fournisseur de lustres à celui de canapés en passant par le carrelage, la peinture… Nous essayons de trouver le maximum de choses gratuitement, dans le cadre de ces partenariats. Quand on ne trouve pas ou quand on est en dépassement de budget, ce sont les candidats qui font, ou pas.
Qu’attendent les partenaires de cette expérience ? Je pense qu’ils le font pour le plaisir de participer à l’énergie de l’événement, tout en sachant que leur logo est partout et qu’il sera vu. Ça, c’est très agréable et très nouveau pour nous. On a toujours eu cette image de Parisiens, élitistes, etc. Or, plus local que ça, on ne peut pas faire. On a des partenaires comme Bob Carrelage, Apsara Créations, InterFaces Toulon, Atelier sur les expositions, Riviera Yachting Network pour la partie yacht sur le port. On a aussi des entreprises comme Blackbody de La Farlède qui financent directement le festival. On a également de grandes entreprises et des partenaires institutionnels qui nous soutiennent.
Comment se positionne ce festival sur la scène nationale ? On est les seuls au monde à faire ça pour les jeunes. Notre particularité, qui se rapproche de ce qu’on fait sur le site de Hyères, est l’aide aux jeunes créateurs et l’accompagnement. Dans la mode, il n’existait rien en terme de prix. Aujourd’hui, il en existe beaucoup plus. Dans l’architecture d’intérieur, pour les jeunes, il n’existe strictement rien. Certains grands magazines internationaux comme AD ont réalisé des opérations de com’ spectaculaires sur de grands noms de la déco. Mais rien de ce genre.
Ce festival peut-il atteindre la même renommée que le festival de mode ? Je ne sais pas s’il ira aussi loin mais il en a les possibilités. C’est comme quand on est à l’école et qu’on dit : s’il travaille bien, il pourra y arriver. C’est un secteur du luxe, porteur, nouveau. Dès la deuxième année, convaincre un des satellites de la maison Chanel de venir exposer ici au Cercle Naval, franchement, c’est une performance. J’ai été étonné. Même si on y a mis tout le relationnel qu’on avait, je n’y croyais pas forcément. Ils sont venus voir le lieu, ils ont dit oui. C’est plutôt bon signe.
Le festival de mode ouvre des portes aujourd’hui ? Oui, on peut dire ça. Quand la Villa Noailles et son organisation demandent, c’est plus facile. On gagne du temps. Tout le temps qu’on a perdu au début du festival de mode, aujourd’hui on ne le perd plus.
Combien de personnes un tel événement mobilise-t-il ? Cinq personnes au musée, quinze designers au Cercle Vauban. Il y a une quinzaine de personnes dans l’organisation. Avec l’équipe de Hyères, ça fait à peu près soixantedix personnes mobilisées. Il y a beaucoup d’étudiants. C’est un point important aussi. Il y a des jeunes de l’école d’art de Toulon Provence Méditerranée qui viennent nous donner la main. Ça fait vraiment plaisir à vivre et à voir. Il y a aussi un soutien de la ville, de l’agglomération et du département. Plus la Région qui nous a rejoints l’an dernier. Ça a vraiment du sens. L’enracinement dans le département du Var est fort.
Quelles sont les retombées pour les candidats, les lauréats ? C’est une vraie vitrine pour les dix finalistes. On a un partenaire qui s’appelle Eyes on Talent. C’est une plateforme de découverte des jeunes talents à travers le monde, à laquelle sont adhérentes des grandes maisons du luxe. Dès que les candidats sont sélectionnés, ils vont sur cette plateforme de chasseurs de têtes. S’ils n’étaient pas passés par le festival, ils n’auraient pas eu cette possibilité. On leur ouvre les portes de maisons : Pierre Frey, Vitra, Black Body… évidemment les métiers d’art de Chanel auxquels ils sont connectés pendant un moment. Ils ont la possibilité, très vite, de se connecter à beaucoup de monde. On va mettre en place un système qu’on aime beaucoup. Sur la deuxième édition du festival, il y a trois lauréats de l’année dernière qui font un projet. Le Grand Prix, c’est naturel, revient chaque année. Rikkert Paauw, qui avait gagné un prix spécial du jury, expose au Cercle naval. Antoine Grulier et Thomas Defour ont gagné un prix avec Chanel. Ils reviennent faire une mise en scène au musée de la Marine. En fait, si vous gagnez le festival, vous revenez au moins deux fois. C’est ce qu’on peut appeler une pépinière d’entreprises.