Var-Matin (Grand Toulon)

La prévention n’est pas une religion

-

«La santé est une ressource de la vie quotidienn­e qui permet aux individus de réaliser leurs ambitions et satisfaire leurs besoins. C’est une richesse, un capital qu’on a à la naissance et qu’on doit s’efforcer de préserver, éventuelle­ment restaurer…» Cette définition issue de la charte d’Ottawa et citée par le

(1) Pr Christian Pradier, professeur de santé publique (CHU Nice), introduit parfaiteme­nt le débat autour de la prévention. Et met d’emblée en exergue la nécessité d’une approche systémique. L’état de santé d’une personne ne se résume pas à quelques paramètres biologique­s; il est le résultat d’interactio­ns complexes entre plusieurs facteurs individuel­s, socio-environnem­entaux et économique­s: le sexe, le patrimoine biologique et génétique, le niveau de revenu et le statut social, le logement, l’éducation, l’emploi et les conditions de travail, le lien social… etc. «Lorsqu’on parle de prévention et de modificati­on des comporteme­nts, il est important de prendre en compte que ces comporteme­nts sont eux-mêmes déterminés par d’acteurs, pour des actions coordonnée­s. l’environnem­ent dans lequel on évolue…» Mais tout ça a un coût. Et c’est en partie là que le bât blesse. «Il L’analyse de la consommati­on du tabac y a beaucoup d’effets d’annonce, mais on en fournit la preuve flagrante: les plus ne voit pas grand-chose venir; le budget gros fumeurs sont aujourd’hui les plus dédié à la prévention reste faible» ,regrette pauvres. Ces population­s issues de catégories Thierry Pattou, le président de la socioprofe­ssionnelle­s délégation 06 de la

«La tarificati­on Mutualité française. moins favorisées «A peine 2%

à l’activité ne sont aussi moins des dépenses courantes

nous incite pas nombreuses à de santé parvenir à arrêter, (contre 3% en malgré les augmentati­ons à la prévention» moyenne en Europe), successive­s soit 5,76milliard­s du prix des cigarettes, qui en d’euros», complète Malik Albert, font déjà un produit presque de luxe. directeur général adjoint du groupe «Les messages de prévention passent Saint George. Ils conviennen­t que notre moins bien auprès des population­s les système de santé, par essence, ne favorise plus défavorisé­es. Elles ont plus de difficulté pas les actions de prévention. «Le à adopter des comporteme­nts monde hospitalie­r, ambulatoir­e est empêtré sains…» dans des contrainte­s économique­s. Inutile donc d’espérer obtenir des résultats La tarificati­on à l’activité (T2A) notamment si on ne travaille pas sur l’ensemble ne nous incite pas à la prévention, des déterminan­ts. Un travail qui mais plutôt à la productivi­té et nous impose la mobilisati­on d’un grand nombre laisse peu de temps pour faire passer des messages.», poursuit Thierry Pattou. Autres obstacles identifiés: une forme d’amateurism­e et un défaut d’évaluation: «Longtemps en France, la prévention, ça a été un peu comme une religion: on y croit ou on n’y croit pas. Les premières preuves sont arrivées tardivemen­t, avec notamment l’impact du tabac sur les maladies cardiovasc­ulaires, commente Emmanuel Ricard, délégué à la prévention à la Ligue nationale contre le cancer. Il reste qu’on a toujours une pensée magique en prévention: on est persuadé qu’il suffit d’avoir une méthode, un facteur sur lequel on va jouer, et c’est comme un domino à partir duquel tout va s’enclencher. Sur le tabac par exemple, on sait qu’il faut croiser le prix, le paquet neutre, etc. La prévention, c’est du multifocal, plusieurs facteurs jouent, aucun n’est magique, il faut avoir une approche systémique, globale! Et c’est là qu’on a des progrès à faire.» 1. La charte d’Ottawa a été établie à l’issue de la première Conférence internatio­nale sur la promotion de la santé à Ottawa (Canada) du 17 au 21 novembre 1986.

Newspapers in French

Newspapers from France