Hommage aux victimes : Nice a battu d’un seul coeur
Nice a rendu hommage, hier, à ses 86 victimes de l’attentat du 14 juillet. Une cérémonie émouvante, sous le sceau de l’unité, en présence d’Emmanuel Macron
« La lumière qui dissout les ténèbres »
Après le plus poignant des Nissa La Bella, interprété par le Choeur d’enfants de l’Opera de Nice, et avec une douceur infinie, le coeur immaculé des anges se matérialise. Lentement... Il faut entendre, écouter, supporter, une fois de plus, ces 86 noms claquer dans le silence. Et accepter, encore, les sanglots qu’on ne peut contenir. Ils s’appelaient Jocelyne, Bruno, Natalya, Mehdi, Rickard, Thérèse, Fatima, Kylan... Ils avaient 92 ans, 4 ans, 46 ans, 71 ans... Ils avaient des gens à aimer. De belles choses à accomplir. Ils avaient la vie devant eux. Litanie interminable. Invivable, comme si c’était la première fois. Et, à chaque nom, hier, le coeur de Nice s’est serré un peu plus. Même l’Ave Verum de Mozart a préféré s’effacer pour se faire plus discret... Puis la tribune, figée, a observé une minute de silence. Debout, d’une seule humanité. Ce silence, ici, et seulement ici. Et plus jamais sur la Promenade des Anglais... Sous le velum protecteur, bleublanc-rouge, le temps est suspendu pour les familles de victimes venues assister à l’hommage, hier, place Masséna. Ces hommes, ces femmes, ces pères et mères, ces enfants, condamnés au manque brutalement, injustement, imposé par un tueur fou. C’était le 14 juillet dernier. C’était il y a un an. C’était hier. Aujourd’hui. Et pour toujours dans la vie des Niçois. Pauline Murris, de l’association Promenade des Anges, avance sa frêle silhouette pour lire le plus joli, le plus juste des textes. Voix brisée, elle revit la « Promenade de la vie ». Elle parle de ceux « qui rêvaient d’un monde aussi juste que leurs joies simples ». Elle évoque les enfants, les parents aimants et les amoureux qui s’étreignent. Jusqu’au ciel noir. Jusqu’au « camion qui a foncé dans la foule et déchiré la France ». Pauline, soutenue par le pupitre, avec un vrai courage, chuchote « l’espoir de ceux qui ont aujourd’hui du mal à rêver mais qui marchent dans la même direction ». Et qui savent, heureusement, que « seule la folie des hommes est à blâmer ». Elle espère – tous espèrent – «la lumière qui dissout les ténèbres dès qu’elle saisit le courage et le coeur des hommes ».
Les pleurs d’Elsa
Avant elle, des artistes, face à cette mosaïque de drames individuels réunis dans un destin collectif, avaient solennellement lu un texte de Jean-Marie-Gustave Le Clézio, l’enfant du pays. Des mots, que l’écrivain niçois, prix Nobel de littérature, a écrits le lendemain de l’attentat. Son exutoire à lui. Sa façon de rendre hommage. Il y a la Niçoise Michèle Laroque, bouleversée, Patrick Timsit, si grave, le sage Michel Legrand, et un Patrick Chesnais, troublé. Puis, Michel Boujenah raconte «le crime monstrueux », avant une Elsa Zylberstein, émue aux larmes. Enfin, la tendresse ébranlée de Line Renaud qui « maudit l’assassin », et la force de François Berléand qui s’interroge : « Comment pouvons-nous écarter le voile du néant pour tenter de retrouver la
vie ?». Une phrase qui résume avec une terrible justesse le combat permanent des familles depuis un an. Leur deuil, sans fin. Leur nécessité, leur difficulté à avancer avec l’absence pour horizon. Des familles à qui le président Macron s’est adressé. « La France s’est mise à l’unisson de votre douleur. Nous avons oublié le nom de cet anonyme meurtrier, mais nous avons appris le nom de nos morts. » Tout comme il a honoré, hier, le « peuple de Nice », à qui il a rendu un vibrant hommage, dont il a souligné la force, le courage et la dignité. Un discours au cours duquel il n’a rien voulu occulter. Rien masquer. « Je ne tairai pas ici ce soir les reproches qui se sont fait jour après l’attaque. La colère de beaucoup s’est concentrée sur la puissance publique. Et j’ose vous le dire comme chef de l’État : je comprends cette colère », a lancé le président de la République. Quant à Christian Estrosi, dans une touchante sobriété, il a mis des mots sur cette nuit tragique. Sur Nice, plus jamais comme avant. Sur ces 86 innocents assassinés. Mais il a tenu, aussi, à chaleureusement remercier « les héros anonymes qui ont accompagné les victimes avec tant de courage, tant de compassion, tant d’efficacité, tant de bienveillance ». Ces 42 héros qui venaient, dans la première partie de la cérémonie, d’être décorés par le Président Macron, par le ministre de l’Intérieur, Gérard Collomb, par la garde des Sceaux, Nicole Belloubet, par Agnès Buzyn, la ministre de la Santé, ou encore par Eric Ciotti. Des remises de décoration sous les yeux des deux anciens chefs d’État, Nicolas Sarkozy et François Hollande, unis au côté de SAS le Prince Albert de Monaco.
Traînées bleu-blanc-rouge de la patrouille de France
Légion d’honneur, ordre national du Mérite, remises à des gardiens de la paix qui ont tout tenté pour arrêter la course meurtrière du camion. A des sapeurs-pompiers, des hospitaliers, à pied d’oeuvre toute la nuit auprès des victimes. A de simples citoyens que la peur a transcendés. Comme Franck Terrier, celui qui, à scooter et au péril de sa vie, a tout essayé pour arrêter le massacre. Le Niçois est fait chevalier de la Légion d’honneur par Christian Estrosi. La tribune, debout, lui rend hommage. Reconnaissante. Les Niçois ont envie qu’il le sache. Franck Terrier est longuement ovationné... C’est à 16 h 30 que l’hommage national avait débuté avec le passage en revue des troupes et un défilé de l’avenue Felix Faure à l’avenue de Verdun, afin de rendre les honneurs militaires au président de la République. Puis le vol si spectaculaire des Aphajet de la Patrouille de France et de l’escadron02.008 « Nice ». Et leurs traces aux couleurs de la France. Ce bleu-blancrouge qui s’est, pianissimo, dispersé dans le ciel.