Var-Matin (Grand Toulon)

Eric Melville, c’était le plus gaillard de nous tous. Il incarnait pleinement les valeurs du rugby et l’amitié. ”

- PROPOS RECUEILLIS PAR J.-C. MARCELLI

Pour être franc, je n’étais pas conscient de tout ce qu’il se passait, j’étais jeune, à peine  ans, c’était ma première saison à Toulon où je jouais en junior. Il a fallu que Thierry Fournier se blesse avant le match pour que je sois remplaçant, puis que Pascalou (Jehl, NDLR) se blesse à la demi-heure de jeu pour que je rentre. Je me souviens de ce Parc des Princes fabuleux, avec ses tribunes près du terrain, puis des avants qui me font un clin d’oeil pour me rassurer quand j’entre en jeu, tout comme Jérôme Gallion qui m’a beaucoup parlé.

Comment arrivez-vous dans ce groupe chevronné ? En fait, je fais deux matches en fin de saison, Pau et Nîmes, où je marque cinq essais. Ça tape dans l’oeil du barbu (surnom de Daniel Herrero, le mythique entraîneur de l’époque). Et il me prend pour les phases finales, vu qu’il y a des blessés. Et surtout il a eu les c ....... de me faire rentrer, moi, un gamin. Il y a d’autres dirigeants qui ont fait une drôle de tête quand ils m’ont vu m’échauffer, mais il a eu peur de rien, le mec. Et en plus je marque un essai. Ça a changé ma vie complèteme­nt, je lui dois beaucoup...

La fête a été belle ? Oui, mais là encore, vu mon âge, je ne l’ai pas appréciée à sa juste valeur. Je me souviens que le lendemain matin, René Combeau, un dirigeant, me voit et me propose d’aller prendre un petit-déjeuner. Moi, du haut de mes  ans, je demande croissant et chocolat, et là il me dit : « Non, minot, aujourd’hui c’est un grand jour, c’est caviar et Cristal Roederer » ! En revanche, le deuxième titre, en , celui-là je peux te dire que je l’ai savouré, j’ai compris la valeur que ça avait. Je l’ai arrosé un été entier, on a emmené le bouclier de partout.

Vous avez des liens à tout jamais avec le groupe ? Bien sûr, tous les étés on se retrouve, et on part en Corse, là on vient de faire le “Mare à Mare”, un sentier de randonnée, on était dix-huit. Mais c’était le rugby d’avant, on était tous du coin, voire du quartier, maintenant, le jour où ils veulent fêter quelque chose, il leur faut une agence de voyages ! Mais il ne faut pas croire que tout est toujours rose, là on vient de perdre un des nôtres. Oui, le décès brutal d’Eric Melville a du tous vous secouer ? C’est terrible. Barrabbas (son surnom, NDLR), c’était le plus gaillard de nous tous, sans doute le meilleur  franchisse­ur que l’on ait connu. Pour te dire, à l’entraîneme­nt, c’était un cauchemar de le prendre, je craignais plus ça que les matches ! Mais plus encore audelà du sportif, il incarnait pleinement les valeurs du rugby et l’amitié.

Le joueur le plus dur que vous ayez côtoyé ? Manu Diaz. Je l’ai jamais vu plier. Et si jamais ça devait arriver, ça se passait autrement... Je me souviens une fois, à Lourdes, durant toute une mi-temps face à Garuet, ils se sont mis des coups de tronche à chaque entrée en

Ton match le plus rude ? Un match avec la sélection Côte d’Azur contre l’Afrique du Sud, au stade Vélodrome à Marseille. On s’est fait rouer de coups, je me casse la main sur une bagarre, et s’il n’y a pas les grillages, je finis dans le port tellement on a morflé. Il y a eu Grenoble aussi, làbas, où je me fais arracher l’oreille, ça m’a coûté  points de suture. Un mot sur le rugby d’aujourd’hui ? J’adhère pas. Il y a moins de passion, humainemen­t c’est différent, l’afflux de joueurs étrangers est trop important, et ça va nous perdre car les jeunes n’ont plus leur chance et de temps de jeu. Après, je suis impression­né par certains joueurs, comme Guirado, notamment. Mais bon, c’est plus le même sport. Nous, on s’entraînait trois fois par semaine dont une séance de muscu facultativ­e, et eux, c’est deux fois par jour...

L’anecdote que vous n’avez jamais racontée ? Mon premier match à l’extérieur, à Biarritz. Dans l’avion, on a cru qu’on allait tous mourir avec une tempête dantesque, des grêlons et des trous d’air monstrueux. Et Manu voulait étrangler le pilote. On a dû lui expliquer que c’était le seul à pouvoir poser cet avion, un petit coucou. Ensuite, dans les vestiaires, Gilbert Doucet me tend un gant de crin, et me demande de lui passer dans le dos. Il y avait du Dolpic (un baume chauffant aux extraits de piment) dessus. Rien que de le toucher ça m’a cramé la main, et lui s’en était passé sur tout le corps ! Là, j’ai compris qu’il y avait du mariole...

 ?? (Photo archives V.-M.) (Photo doc. D. L.) ?? Parc des Princes,  mai  : David Jaubert plonge près du drapeau de coin pour inscrire l’unique essai toulonnais de cette finale face au Racing. La bande de copains s’était retrouvée à La Seyne pour le jubilé de David Jaubert en .
(Photo archives V.-M.) (Photo doc. D. L.) Parc des Princes,  mai  : David Jaubert plonge près du drapeau de coin pour inscrire l’unique essai toulonnais de cette finale face au Racing. La bande de copains s’était retrouvée à La Seyne pour le jubilé de David Jaubert en .

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