Signé Roselyne
Le regard de Roselyne Bachelot sur l’actualité
Lundi
Le gouvernement irakien annonce la reprise de la ville de Mossoul. C’est là qu’avait été proclamé le califat du groupe État islamique (EI) en juin . La reconquête de la deuxième ville d’Irak par les forces loyalistes est donc un revers militaire hautement symbolique pour Daesh. Pour autant, les motifs de se réjouir sont maigres. Des centaines de combattants djihadistes sont terrés dans des réduits alors que tous les sites historiques ont été pillés puis détruits. Un climat de haine entoure les survivants hâves et affamés qui surgissent des ruines, tous soupçonnés d’avoir apporté leur concours à l’EI. Les récits des abominations, des viols, des arrestations arbitraires et des exécutions sommaires subies par les malheureux sont insoutenables. C’est avec tout cela qu’il va falloir reconstruire « l’après », un État irakien sinon démocratique mais suscitant un minimum d’adhésion citoyenne, une volonté des différentes communautés religieuses de se respecter, une économie de subsistance remise sur pied sur fond de protectorat occidental accepté. Rien de tout cela n’est même ébauché. La vérité est que la « victoire » de Mossoul n’est qu’une péripétie dans un enfer qui durera des décennies.
Mardi
Appelons un chat, un chat et un revirement, un revirement. Édouard Philippe avait bel et bien annoncé une remise à plus tard – et peutêtre aux calendes grecques – des baisses d’impôts promises par le candidat Macron. Ce reniement avait été laborieusement justifié par l’annonce obligeante faite par la Cour des comptes d’un trou de milliards dans le budget de et même de milliards en . On peine à imaginer que le président soit tombé du placard en apprenant cette carambouille que tous les analystes économiques avaient décrite depuis plusieurs mois. Les promesses électorales avaient donc été faites en toute connaissance de cause. Prié de chausser les brodequins d’acier des réalités budgétaires, Emmanuel Macron a d’abord choisi de ne pas tenir ses engagements, solution qui avait précisément coulé François Hollande. Il a réalisé avec retard qu’il y avait finalement moins de risques à serrer les dents... et les cordons de la bourse.
Jeudi
Fallait-il inviter Donald Trump ? Les réticences ont quelque légitimité, tant le personnage choque par ses inconvenances et ses mensonges. Fallait-il inviter le président des États-Unis à commémorer l’entrée en guerre de son pays à nos côtés en ? Oui, mille fois oui. Les présidents passent, le partenariat franco-américain structure la vision
géostratégique de la France, qu’elle soit gaulliste ou mitterrandienne. Peu importe que Monsieur Trump nous donne des boutons, à nous de saisir le côté m’as-tu-vu et vaniteux du personnage pour lui en mettre « plein les mirettes ». Entre le tombeau de Napoléon, le dîner dans le restaurant étoilé de la tour Eiffel et demain le défilé du juillet, on va lui montrer comment nous savons recevoir les péquenots mal élevés ! Plus sérieusement, pour combattre le terrorisme qui reste en tête de nos préoccupations, nous avons besoin des États-Unis, tant sur le plan du renseignement qui permet de déjouer les attentats que sur la guerre que nous menons contre Daesh au Moyen-Orient. Pour faire face aux menées expansionnistes de Vladimir Poutine, l’Union européenne doit se présenter solidement arrimée à l’Alliance atlantique. La tentation isolationniste américaine, prônée par Trump dans sa campagne, est un danger absolu pour notre sécurité. Que les beaux esprits se bouchent donc le nez et plutôt que se complaire dans un antiaméricanisme de pacotille, jouons avec cynisme sur les failles psychologiques du locataire de la Maison-Blanche pour le ramener dans notre camp, celui qui avudes boys de l’Arkansas ou du Minnesota se faire trouer la peau dans les tranchées de la Grande Guerre et trente ans plus tard sur les plages du débarquement.
Vendredi
On aimerait presque que le soleil ne soit pas si brillant, que la mer ne soit pas si bleue, que Nissa la
Bella ne soit pas si magnifiquement interprétée par les choeurs de l’Opéra de Nice, que tout ne soit pas si beau sur la place Masséna... L’émotion est d’une intensité quasiment insoutenable tant la cérémonie d’hommage au souvenir des victimes assassinées ou blessées le juillet est imprégnée de dignité et de chagrin : union nationale symbolisée par la présence, aux cotés d’Emmanuel Macron et de Christian Estrosi, de Nicolas Sarkozy et de François Hollande, discours bouleversant de Pauline Murris, la responsable de l’association d’aide aux victimes, texte dense du prix Nobel niçois JeanMarie-Gustave Le Clézio, enfin la liste poignante des noms des victimes. Le contraste est saisissant avec la parution racoleuse d’un hebdomadaire qui s’est cru autorisé à publier des photos de vidéosurveillance qui montrent des personnes au moment où elles sont tuées sous le camion du terroriste Mohamed Lahouaiej Bouhlel. Le groupe de presse Lagardère, assigné par le Parquet de Paris, s’est défendu au nom « du droit des citoyens à être informé et à connaître la vérité ».
Cette argumentation n’a pas convaincu les juges qui, sans demander le retrait de la publication de toute façon inefficient, ont jugé ces photos indécentes et portant atteinte à la dignité humaine et n’apportant pas d’élément nouveau à la légitime information du public. Après les dérapages de certaines chaînes de télévision le soir même du drame, nous voilà interpellés – non seulement certains médias qui font commerce de sensationnalisme – mais aussi nous-mêmes qui les consommons, car l’exhibitionnisme ne se commet que s’il y a des voyeurs pour en jouir.
Samedi
Comment terminer cette semaine si riche d’émotions contradictoires sans évoquer la mort de Liu Xiaobo, prix Nobel de la paix , militant inlassable et non-violent des droits de l’Homme. Le refus des autorités chinoises de le libérer pour lui permettre de recevoir des soins appropriés montre que si le pouvoir de Pékin se vautre avec délices dans les joies du libéralisme économique, la liberté de pensée et d’expression est refusée délibérément à plus de , milliard d’êtres humains. Liu Xiaobo avait subi plusieurs incarcérations après les manifestations de la place Tian’anmen en et fut arrêté à nouveau en décembre au motif d’avoir été un des auteurs de la fameuse Charte signée par intellectuels chinois et appelant au respect des droits humains. Sa femme Xia, assignée à résidence et surveillée continûment, ne fut pas autorisée à se rendre en Norvège à sa place et sa chaise resta vide lors de la cérémonie de remise du prix Nobel. C’est la deuxième fois qu’un prix Nobel meurt en captivité. Le premier fut le journaliste Carl von Ossietzky, qui avait dénoncé le réarmement clandestin de l’Allemagne et fut envoyé par les nazis en camp de concentration en . Il y fut soumis à d’inhumaines conditions de travail forcé et torturé avant de mourir en d’une tuberculose probablement inoculée volontairement par ses tortionnaires... Décidément, le combat pour les libertés fondamentales ne connaît ni trêve ni répit.
«Pour combattre le terrorisme, nous avons besoin des ÉtatsUnis, tant sur le plan du renseignement que sur la guerre que nous menons contre Daesh au Moyen-Orient.»