Var-Matin (Grand Toulon)

«J’allais en vacances à côté d’Hadamar…»

Oriane Jeancourt Galignani, avec Hadamar, est en lice pour le prix des lecteurs du Var, dans la catégorie adultes. En avril, elle a déjà emporté le prix de la Closerie des Lilas

- PROPOS RECUEILLIS PAR SIMON FONTVIEILL­E

Dans les décombres de l’Allemagne vaincue, Franz, rescapé de Dachau, se lance à la recherche de son fils. Une quête qui va le mener jusqu’à Hadamar. Rien ne distingue ce joli petit village hessois d’un autre. Sauf cet hôpital psychiatri­que dans lequel, entre janvier et août ,   malades mentaux furent gazés, victimes de l’opération Aktion T… Oriane Jeancourt Galignani, rédactrice en chef des pages littéraire­s du magazine Transfuge, nous révèle un pan méconnu de la Seconde Guerre mondiale. Et nous plonge dans un voyage au bout de l’enfer.

Votre roman mélange éléments historique­s et imaginaire­s. Où se situe la frontière entre la réalité et la fiction? Les personnage­s principaux, que ce soit Franz Müntz, le journalist­e qui sort de Dachau et qui cherche son fils, ou Wilson Bergstein, l’officier américain qui mène l’enquête sur les crimes commis à Hadamar, sont imaginaire­s. C’est plus simple pour s’identifier à eux. Mais tout ce qui touche à Hadamar et à l’hôpital est réel.

Pourquoi avoir écrit un roman qui a comme univers le massacre des malades mentaux à Hadamar ? C’est tout d’abord une raison personnell­e. J’ai une grand-mère allemande, qui vit dans le village de Wettenberg. C’est un endroit où j’allais souvent en vacances enfant. Or, en faisant les recherches pour mon roman, je suis tombé sur Hadamar et j’ai découvert que ce village se trouvait à seulement  kilomètres de Wettenberg ! Juste à côté du lieu où je passais des vacances très heureuses, il y avait un des six endroits où on avait tué en masse des malades mentaux en Allemagne…

Qu’est-ce que vous avez fait en découvrant ça ? Vous êtes allée sur place, en avez parlé avec votre grand-mère ? Oui, sur place, l’hôpital psychiatri­que est encore en service… J’ai pu avoir accès à de nombreuses archives et à la chambre à gaz utilisée pour tuer les malades. Cette dernière a été conservée pour se souvenir de ce qu’il s’est passé. Quant à ma grand-mère, elle se souvenait d’un petit garçon autiste emporté dans un bus gris, les mêmes que ceux utilisés pour emmener les malades à Hadamar… Tout le monde savait à peu près ce qu’il se passait. C’est terrifiant. C’est la raison pour laquelle il y a un personnage allemand et un américain. Franz éprouve une profonde culpabilit­é car il appartient au peuple allemand. Et j’ai ressenti cela aussi. Mais d’un autre côté, je suis née et j’ai été élevée en France. L’Américain symbolise ce côté plus lointain.

C’est un pan de la Seconde Guerre mondiale qui est assez ignoré, non ? L’Aktion T ,lenomde l’opération d’exterminat­ion des malades mentaux menée par les nazis, est une mémoire qui n’est pas aussi travaillée que celle de la Shoah. Il a par exemple fallu attendre les années  pour que les familles soient indemnisée­s. Peut-être est-ce parce que, comme l’a précisé Götz Aly, l’un des seuls historiens spécialist­es de la question, le massacre des malades mentaux – qui a fait près de   victimes– était le premier pas vers l’exterminat­ion des Juifs, la priorité d’Hitler…

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