Aide à l’enfance : les raisons de la crise
Mis en cause à la fin du mois de juin par des fonctionnaires grévistes de la délégation générale aux solidarités du Département, les responsables de l’aide à l’enfance réagissent
Le 27 juin dernier, un vaste mouvement de grève touchait les fonctionnaires de la délégation générale aux solidarités du Département (notre édition du 28 juin). Si un des éléments déclencheurs de ce mouvement a été une suspicion d’abus sexuel sur une jeune fille au sein du Centre départemental de l’enfance (CDE) du Pradet, les grévistes dénonçaient plus largement le manque de moyens de l’aide à l’enfance et la « maltraitance institutionnelle » dont seraient victimes les enfants placés. Hourira Beghersa, directrice par intérim du CDE, et Jean-Michel Permingeat, directeur de l’enfance au sein du Département, répondent aux critiques formulées à l’encontre du fonctionnement de l’aide à l’enfance.
Un des éléments qui a mis le feu aux poudres, c’est la suspicion d’abus sexuel de la part d’un employé du CDE sur une fillette. Que s’est-il passé ? Hourira Beghersa : Il s’est passé qu’un de nos veilleurs de nuit n’a pas su tenir un groupe assez explosif. D’après les fillettes du groupe, il aurait alors tenu des propos sexuels. Et une d’entre elles a dit qu’il lui avait fait des attouchements. Il faut ici préciser que cette enfant disait avoir subi des violences sexuelles dans sa famille, et que, placée dans plusieurs de nos institutions depuis de nombreuses années, elle dénonce systématiquement des faits d’agression sexuelle. Suite à ses propos, nous avons fait une note qui est remontée à la direction, et notamment à l’aide sociale à l’enfance, ainsi qu’un signalement judiciaire. Par précaution, le veilleur a été retiré du service dès le lendemain. En heures, l’affaire était réglée. Et je tiens à dire que cet employé avait tous les diplômes requis et que nous avions vérifié la virginité de son casier judiciaire(). Jean-Michel Permingeat : Au niveau du département, toute structure confondue, on est à au moins une accusation de violence sexuelle d’un adulte sur un enfant par an. À chaque fois, il y a une déclaration à l’autorité judiciaire et une enquête. Il n’y a eu qu’une seule personne condamnée, un veilleur de nuit du centre Accueil, dans la ville de Comps-sur-Arturby, au début des années .
Le manque de places d’hébergement au sein de l’aide à l’enfance du Var est régulièrement pointé du doigt. Quelle est la situation actuelle ? J.-M. P. : En , il y a eu dans le Var enfants placés et concernés par des actions éducatives à domicile. Si l’on compte l’ensemble des dispositifs – CDE, Maisons d’enfants à caractère social (Mecs), familles d’accueil –, on arrive à environ places disponibles, sans compter les placements à domiciles créés en juillet . Il manque environ places pour répondre aux besoins de placements actuels. Pour y remédier, nous avons créé places dans des foyers de jeunes travailleurs, et une centaine de jeunes varois sont accueillis en dehors du département.
Le personnel gréviste dénonçait la «maltraitance institutionnelle » du CDE, avec des enfants dormant sur des matelas et déplacés deux ou trois fois en deux mois. Qu’en est-il ? H.B. : Les matelas, bien sûr que c’est vrai. Quand on nous appelle à h et qu’on est plein, qu’est-ce qu’on fait, on laisse le petit dehors ? Non, on le met sur un matelas avant de chercher des solutions. Quand à deux ou trois passages chez nous, c’est même parfois plus. Le CDE a une mission d’accueil d’urgence. Nous avons places, et avons hébergé en , seulement pour l’accueil d’urgence, enfants. Une critique revient également souvent : la baisse du budget alloué par le Département à l’aide sociale à l’enfance... J.-M.P. : Non, sur les baisses de budget, ce n’est pas vrai. En , les sommes allouées par le Département à l’aide à l’enfance sont de millions d’euros. Elles n’étaient que de millions il y a deux ans, et en , on atteindra sans doute les millions. Mais ce qui est vrai, c’est que même si nous avons maintenu nos subventions à des associations, d’autres acteurs publics les ont diminuées, comme la Région. Et il est également vrai qu’il y a une augmentation des cas traités et une dégradation de la situation globale, dans le Var comme dans le reste du pays.
Pourquoi ? J.-M. P. : Vous avez de moins en moins de psychiatres dans les hôpitaux, de moins en moins de pédiatres, le nombre de mineurs étrangers qui a explosé de % en un an dans le Var… Nous sommes au coeur d’une crise économique et sociale, avec des enfants qui présentent plus de troubles psychiatriques qu’avant.
De nouvelles places d’hébergement sont-elles prévues ? J.-M. P. : Oui. En , nous avons créé environ places dans le département. En , nous avons autorisé places supplémentaires en placement à domicile et, à partir de la rentrée, les services alternatifs -tels que l’intervention au sein des familles-, concerneront une trentaine d’enfants en plus. Il est également prévu d’augmenter les capacités des Mecs. Enfin, concernant les projets, nous avons places d’accueil diversifié pour les mineurs non accompagnés qui ouvriront début , plus de places en placement à domicile qui doivent voir le jour en janvier , et un village d’enfants d’une cinquantaine de places dont l’ouverture dans le Haut Var est fixée fin . Mais je vous le dis d’avance : au regard de la situation vécue, ça ne suffira pas… Il faut que l’on continue à miser sur la prévention.
Par exemple ? J.-M. P. : Cette année, on a commencé à travailler avec les établissements de Six-Fours et de La Seyne. L’idée, c’est d’avoir une personne bien identifiée en liaison avec l’école pour pouvoir repérer les enfants nécessitant notre aide et les orienter vers un Centre d’action médico-sociale précoce. Il y en a quatre dans le Var( dont un à l’hôpital SainteMusse, Ndlr), financés à hauteur de % par le Département.
Les matelas, bien sûr que c’est vrai ”
1.Au début du mois de juin, le Département a dénoncé au parquet de Toulon une suspicion d’abus sexuel au CDE. Une enquête préliminaire, confiée à la brigade des mineurs, a été ouverte. Ses résultats doivent être rendus d’ici lundi.