Grillages, clôtures et passages canadiens
« Il faut mettre en oeuvre toutes les méthodes dont on dispose et que tout le monde s’y mette. »
Au château Sainte-Marguerite de La Londe-les-Maures, comme dans tous les autres vignobles de la région, cela fait des années qu’on prend la menace très au sérieux. Le domaine a pour sa part clôturé ses quelque 100 hectares de parcelles pour limiter la venue des cochons sauvages. Un investissement très lourd dont il tire profit aujourd’hui. « Au début, on avait du mal à estimer la part de dégâts, raconte Olivier Fayard, le gérant du domaine. Mais au bout de quatre ans, on s’est rendu compte que les sangliers bouffaient entre 20 et 25 % de la récolte, et jusqu’à 30 ou 35 % dans les parcelles proches des collines. » Mais les clôtures électriques ne sont «pas toujours efficaces », àen croire le vigneron londais. Lui a opté pour un «grillage galvanisé lourd ».« C’est certes plus cher, mais aussi plus efficace et cela demande moins d’entretien que les grillages électriques avec lesquels il fallait tout vérifier tous les jours », précise Olivier Fayard. Il a décidé en plus d’installer un passage canadien (ou barrière canadienne) à l’entrée de son domaine. C’est un système de confinement des grands animaux qui permet de se passer d’une barrière mobile, en laissant dans un système de clôture une ouverture permettant la libre circulation des piétons et des véhicules. La plupart des animaux et les sangliers en premier lieu sont effrayés par cette structure qu’ils ne connaissent pas et par le vide qui est en dessous. Pour le propriétaire du château londais, cet équipement s’avère également «très efficace ».
Des archers près de Madrid
Chez nos voisins hispaniques, et plus particulièrement aux alentours de Madrid, le problème est le même. En cinq ans, le nombre de sangliers dans cette région serait passé de 30 000 à 40 000, selon les dernières estimations officielles. Là-bas aussi, l’urbanisation galopante a réduit l’habitat naturel des sangliers qui s’aventurent de plus en plus près des zones peuplées. Pour endiguer cette prolifération, les Espagnols font appel à des archers. Une technique pour le moins originale, certes très silencieuse, qui ne plaît toutefois pas aux défenseurs de l’environnement, lesquels considèrent que si l’archer s’y prend mal, l’animal peut souffrir d’une longue agonie. Au total, 55 «chasseurs à l’arc »se sont portés volontaires pour éliminer les bêtes qui rôdent trop près des habitations. En cinq ans, ils auraient abattu plus de 200 sangliers dans cette même région.
La méthode contraceptive testée en Catalogne
C’est une longue et âpre bataille qu’il mène depuis près de 20 ans. Docteur en biologie et ancien membre de la commission départementale de l’Office national de la chasse et de la faune sauvage (ONCFS), Jean Crousillat est l’un des premiers en France à s’être sérieusement penché sur l’idée d’une méthode contraceptive qui réduirait la population des sangliers. « On m’a souvent rigolé au nez et traité de professeur Nimbus », sourit aujourd’hui encore ce scientifique de 92 ans originaire de Cotignac (Var). Il aurait même reçu « menaces et insultes», à force de défendre son point de vue. Le principe, certes pas très catholique, est pourtant simple. « L’idée est de développer un vaccin contraceptif qui empêche l’ovulation ». Car selon lui, « les clôtures chez les agriculteurs et les particuliers ne suffisent pas». À plusieurs reprises, Jean Crousillat a présenté son idée d’immunocontraception aux autorités. « J’ai écrit au préfet du Var et le service chasse m’a répondu que cette technique n’était pas réglementaire. Pourtant, assuret-il, on pourrait très bien demander une autorisation provisoire d’utilisation. » Cette expérimentation a débuté en Espagne, près de Barcelone, où une équipe de chercheurs (composée de quatre vétérinaires et d’une demi-douzaine de garde-forestiers) a capturé une vingtaine de bêtes pour leur injecter un vaccin contraceptif (voir photo ci-dessous). « Chez nous aussi, éclaire Encarna Casas, vétérinaire à l’Université autonome de Barcelone, les sangliers se rapprochent beaucoup des villes », notamment vers Matadepera ou Terrassa, à quelques kilomètres de la capitale catalane. « Un scientifique a déjà testé ce principe immunocontraceptif sur des sangliers en captivité et tout a bien fonctionné », assure la scientifique. «On a donc effectué sur ces bêtes plusieurs prélèvements qu’on a aussitôt envoyés en laboratoire. Ensuite, le but est de les capturer plusieurs semaines après pour faire de nouvelles analyses et comparer ainsi les résultats sur la présence d’hormones et de testostérones. » En trois mois, ces tests auraient déjà porté leurs fruits. Le prochain objectif pour cette équipe est désormais de capturer une centaine de sangliers d’ici trois ans afin d’étendre le programme de vaccination. Mais, comme le souligne aussi Encarna Casas, « il faut mettre en oeuvre toutes les méthodes dont on dispose et que tout le monde s’y mette. Car il n’y a pas de solution unique… »