Var-Matin (Grand Toulon)

« J’ai quitté la terre »

Warren Barguil le Breton a remporté un deuxième succès d’étape, en solitaire, au sommet du col de l’Izoard, et a définitive­ment assuré son maillot à pois

- À BRIANÇON, ROMAIN LARONCHE

Un succès de prestige, en solitaire et avec la manière, un maillot à pois et le coeur du public en prime. Warren Barguil a connu une nouvelle journée pleine hier. Le jeune Breton est allé chercher à la pédale sa deuxième victoire d’étape, en faussant compagnie aux meilleurs grimpeurs dans les plus forts pourcentag­es. À un peu plus de 6 kilomètres du sommet de l’Izoard, « Wawa » s’est dressé sur son vélo pour planter une mine. Un tempo trop rapide même pour Contador, son idole de jeunesse, qui a fini par se griller les ailes en suivant le leader de Sunweb. Avec 49 points d’avance sur Roglic au classement du maillot à pois, hier matin, Barguil n’avait plus grandchose à craindre pour sa belle tunique (il restait alors 58 points à distribuer). Il l’a assurée avec la manière. «Il y avait 40 points à aller chercher au sommet (seul col du Tour dont les points étaient doublés) et j’y suis allé ». Barguil est devenu le premier Français à passer en tête ce col mythique depuis 42 ans et Bernard Thévenet. Mais il restera à jamais le premier à inscrire son nom comme vainqueur au sommet de l’Izoard. Le genre de succès dont on se rappellera dans plusieurs décennies. Dimanche, il montera pour la première fois sur le podium protocolai­re des Champs-Élysées. Il sera le 3e Breton à ramener cette tenue après Louison Bobet et Bernard Hinault. Une belle lignée. Depuis une quinzaine de jours, le jeune homme vit un rêve. « Je m’impression­ne moi-même. Je n’ai pas encore réalisé. J’étais en haut des nuages à Foix (sa première victoire), là j’ai quitté la Terre (rires) ». En récupérant Atapuma et en le faisant craquer sous la flamme rouge, celui qui s’était installé à Saint-Laurent-du-Var lors de la saison 2015, a pu « savourer » sa victoire en solitaire, poussé par une foule monstrueus­e et acquise à ce pur grimpeur. « Quand j’ai rattrapé Tony (Gallopin), je croyais être en tête et j’ai vu Atapuma devant. Je me suis rappelé du Tour de Suisse, où je n’avais pas réussi à le reprendre pour la victoire d’étape, je me suis dit ‘‘il n’y a pas moyen que ça se passe comme ça’’ ».

« J’ai connu des mauvais moments »

Effectivem­ent, le scénario a été totalement différent. Le natif d’Hennebont (Morbihan) est passé les deux index levés vers le ciel en vainqueur, pour dédier son succès à ses deux papys décédés, qui étaient fans de vélo. « Je ne les oublie pas », a-t-il glissé ému quelques minutes plus tard. Le public, lui non plus, n’est pas prêt d’oublier tous ses exploits. Pourtant, à le voir à l’avant de chaque étape de montagne, un regret revenait dans chaque âme de supporter, et dans de nombreuses questions plus tard en conférence de presse. Aurait-il pu jouer le général, s’il n’avait pas volontaire­ment perdu du temps en début de Tour ? « C’est un rôle qui me correspond bien d’être à l’attaque, pas être à fond sur les étapes de plat. Je vais déjà savourer cette victoire avant de penser à la suite. Je ne vais pas brûler les étapes, profiter du moment, faire une grosse fête en rentrant. Je sais que la vie ne tient qu’à un fil. » Ce discours détaché, Barguil le porte depuis qu’il a été percuté par une automobili­ste avec ses coéquipier­s lors d’un stage en Espagne en janvier 2016. Un choc violent dont il s’était sorti avec une fracture du scaphoïde et un genou salement touché. Un traumatism­e qui avait retardé son éclosion au plus haut niveau. Car il ne faut pas oublier que Barguil n’a que 25 ans, mais il est programmé pour un destin majuscule depuis longtemps. Depuis sa victoire au Tour de l’Avenir en 2012. L’année suivante, il remporte deux étapes sur la Vuelta pour sa première saison chez les pros. En 2014, il se classe 8e du général sur cette même Vuelta et il finit au 14e rang sur le Tour pour une découverte en 2015. Puis un passage à vide compréhens­ible après son accident. «J’aieu beaucoup de malchance, connu des mauvais moments, mais je n’ai jamais rien lâché, ça paye aujourd’hui, me voilà à mon meilleur niveau ». Depuis deux semaines, il éblouit toute la France. Hier soir, Romain Bardet l’a invité à le rejoindre pour jouer le classement général l’an prochain. En étant 9e ce matin sans vraiment le vouloir, il en a toutes les qualités. « Avec les jambes que j’ai, oui. De là à gagner, je ne sais pas, mais jouer une place dans les 5 premiers oui ». L’idée a commencé à faire son chemin.

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(Photo AFP) Barguil, seul sur sa planète en haut de l’Izoard.

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