Var-Matin (Grand Toulon)

Akhenaton : «Si chacun s’y met un peu, on change déjà la société »

- FRANCK LECLERC

On les présente parfois «les papys du rap ». Raccourci hautement abusif qui colle avec le jeunisme, travers ambiant. « Papys d’accord, mais papys en forme », tranche Shurik’n tandis que son complice Akhenaton rappelle que l’heure de la retraite n’a pas encore sonné. Non, le groupe n’a pas fini de scander ce qu’il reste à changer dans notre société. Une Rêvolution, selon le titre Avé l’assent du dernier album estampillé IAM, dont ces griots ont mélangé les morceaux avec leurs grands classiques, jeudi soir sur la scène du Nice Jazz Festival.

Bientôt  ans. Vous réalisez? Oui, trente ans à la fin de l’année prochaine. Mais l’histoire du groupe, on la vit au quotidien. Et principale­ment sur la route, ces dernières années... On passe plus de temps ensemble qu’avec nos familles biologique­s ! IAM, c’est d’abord une question d’amitié et de partage. On essaiera de fêter ça dignement, peut-être au Japon. Après tout, on avait dit en plaisantan­t qu’on célébrerai­t nos vingt ans en Égypte et finalement on a bel et bien joué au pied des pyramides en . Rêver, pour nous, c’est essentiel. Quand on est contemplé par quarante siècles, on se sent très jeune et tout petit ? Le problème de l’âge peut se poser quand on veut plaire à un public plus jeune. Là, oui ça peut jouer des tours. Ce n’est pas notre cas. Nous sommes dans la première vague du rap mondial : on a commencé en . On est à l’avant du chasse-neige. On ne sait pas ce qui nous attend mais on y va. En revanche, on y va avec des textes qui correspond­ent à notre vie et à notre âge. Chaque album a été la photograph­ie de ce qu’on était, au moment où on le faisait. Et puis, il faut sortir du jeunisme ambiant. Et libérer le rap de l’enclos où il a été enfermé. On a parlé d’une musique de délinquant­s. La même chose se disait du jazz quand il est apparu, regarde où il en est aujourd’hui. Un jour, je suis allé voir Ahmad Jamal en concert et l’ai été scotché de voir quelqu’un de son âge délivrer une telle performanc­e. Nous, on fait ce qui nous plaît et surtout ce qui nous intéresse.

Vous vouliez changer le monde. C’est loupé ? On le dit dans les paroles : je voulais changer le monde mais c’est le monde qui m’a changé. La tâche est tellement énorme qu’on a réalisé qu’il valait mieux commencer par changer un tout petit peu les gens autour de soi. En commençant par le cercle familial, qui est une sorte de micro-société. Si chacun s’y met, si l’on arrive à donner de l’amour, de l’attention, du temps à ceux qui nous entourent, quelque part on change déjà la société. En éduquant ses enfants. En leur apprenant à aimer les gens. Culturelle­ment, on a essayé d’apporter une ouverture d’esprit, mais une vague combinée de -Septembre, de téléréalit­é, de comédies musicales et de documentai­res pourris à la télévision, ça te refait l’éducation de toute une génération. Le rap aussi a changé. Centré sur luimême, à l’image de la société.

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(Photo Cyril Dodergny) Imhotep, Akhenaton, Kheops, Shurik’n et Kephren sur la terrasse du Boscolo Plaza.

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