Elsa Zylberstein: « Je suis juste un miroir à fantasmes »
Brouiller les pistes, c’est presque une seconde nature chez Elsa Zylberstein. À première vue, le regard lointain et le sourire flottant de cette beauté froide font entrevoir un caractère distant, des manières d’aristocrate, qu’une élocution ciselée, sans doute héritée de sa formation théâtrale (elle a débuté aux Cours Florent) vient subtilement compléter. Mais à la première question, les yeux d’un bleu glacier s’animent, la parole s’écoule avec ferveur, le corps s’exprime en gestes larges et chaleureux. Retour sur une route (l’actrice n’aime pas le mot carrière) éclectique, tracée par une femme qui sait ce qu’elle veut.
Vous avez participé au Festival des mots à Valberg. Quel est votre rapport à la littérature ? C’est difficile de lire. Je n’ai pas aimé ça tout de suite. C’est un truc très particulier. Tu n’es pas en train de jouer, mais tu transmets une émotion, quelque chose qui est là, dans un instant, avec des gens qui te regardent. Il faut aimer le texte pour lire quelque chose. Au début du siècle, il y avait les salons littéraires. Aujourd’hui les gens ne lisent plus. Et quelque part, à travers ce festival, on revient un peu à ça.
Votre carrière est compliquée à décrire, entre films d’auteurs et comédies grand public. Qu’est ce qui guide vos choix ? Il n’y a pas de calcul, pas de règle. C’est un rôle, un metteur en scène qui va me donner envie d’aller vers lui. Cette année, j’ai fait des grosses comédies, et en même temps je viens de tourner un film avec Roger Avary, qui a écrit Pulp Fiction et Reservoir Dogs. Je suis née avec le cinéma d’auteur, et j’aime ça. Mais il n’y a rien de vulgaire à aller vers un cinéma plus populaire, dans le bon sens du terme. Je trouve que c’est important de bien balancer une carrière. Je veux cette liberté-là et je me l’octroie. Il n’y a pas de « snoberie » à avoir. Quand on y va avec son coeur, la vie vous le rend toujours.
Quels rôles vous ont marqué dernièrement ? Je pense à Un plus une, de Claude Lelouch. Jean Dujardin est un homme extraordinaire, ça a été une grande rencontre. Pour moi ce film a été un cadeau du ciel. Mais je me suis aussi éclatée dans Les Têtes de l’emploi, avec Dubosc et Demaison. Mon rôle était fabuleux. La petite girl next door complètement barrée, qui n’a plus un radis, pour une actrice, c’est un cadeau ! Jouez-vous de la même manière qu’à vos débuts ? Pour moi, tu joues avec la femme que tu es. Donc évidemment, tu évolues. Tu n’es pas la même qu’il y a six mois. C’est ça qui est beau. Après, ce sont les cinéastes qui te révèlent. Moi je suis juste un miroir à fantasmes. Le réalisateur capte tes émotions dans les yeux, il vient chercher ton secret. Moi je peux aller partout, j’ai tout en stock. Est ce que je suis la même ? Non. Avant, j’avais le Franprix, maintenant j’ai le Bon Marché. Je suis plus pleine, j’ai beaucoup de matière maintenant.