Côtes d’enfer
Portées par les ventes exponentielles de rosé, les caves coopératives en AOC Côtes de Provence investissent elles aussi massivement pour améliorer sans cesse la qualité de leurs vins
Au prix d’importants investissements, les caves ont fait elles aussi le choix de la qualité. Dans la foulée des domaines privés, elles s’attaquent à l’export.
Signe de la renommée grandissante de l’appellation Côtes de Provence qui souffle ses 40 bougies cette année, on assiste depuis plusieurs années déjà à l’arrivée de grands noms du vin (Castel, Bernard Magrez, Chapoutier, Maison Louis Roederer…) et autres richissimes investisseurs dans le Var. Mais les domaines privés ne sont pas les seuls à monter en gamme. Les coopératives vinicoles aussi se mettent à l’unisson. Et le vin de pays en vrac a été avantageusement remplacé par des BIB (pour bag in box, une fontaine à eau, Ndlr) d’AOC, voire des cuvées en bouteilles remarquées par des guides réputés. « On ne ressent plus ce débat, cette compétition entre caves coopératives et vignerons indépendants. On a tous à l’esprit de faire le meilleur vin possible », lâche Éric Pastorino, à la fois président de la cave Les Vignerons de Gonfaron et du syndicat Côtes de Provence.
Deux millions d’euros bientôt investis à Gonfaron
« La mauvaise image de la “cave à papa” appartient au passé. Aujourd’hui, on n’a rien à envier aux domaines privés », renchérit Florian Lacroux, directeur de la coopérative Saint-Roch les Vignes à Cuers. La preuve ? « Aux concours agricoles, les caves coopératives obtiennent désormais autant de médailles que les domaines privés », affirme ce même Florian Lacroux. Cette montée en gamme ne tient pas du miracle mais résulte d’une politique d’investissements ambitieuse. « La reconnaissance internationale des rosés Côtes de Provence nous a obligés à ne surtout pas nous reposer sur nos lauriers, mais à rechercher l’excellence », déclare Éric Pastorino. Un peu partout dans le département, de gros travaux ont ainsi été réalisés aussi bien sur le vignoble, que dans les outils de production. «Il y a 4-5 ans, on a investi pour 500 000 euros dans des filtres tangentiels et des pressoirs pneumatiques. Et ce n’est pas fini. Dans les années à venir, il est prévu qu’on construise un tout nouveau chai, un bâtiment ultramoderne de 600 m2 avec des cuves inox et un atelier de froid. Coût de l’opération: 2M ! », détaille Éric Pastorino, avec sa seule casquette de président de la cave gonfaronnaise.
Les prix progressent aussi
Si la cave cuersoise SaintRoch les Vignes a également fait peau neuve, son jeune directeur met l’accent sur les investissements réalisés dans l’humain. « Ilya4ou5 ans, la cave a embauché un oenologue et un ingénieur agronome. Un travail considérable a ainsi pu être réalisé sur les 600 hectares rattachés la cave. On a vérifié que chaque parcelle corresponde bien au cahier des charges. En fait, même si on produit 30000 hectolitres par an, on travaille comme un domaine », déclare-t-il. Éric Pastorino abonde dans ce sens. « Un travail considérable a été fait en terme de sélection parcellaire. Ce n’est plus les vignerons qui décident de la date des vendanges, mais l’oenologue de la cave. D’où des raisins qui arrivent à la bonne maturité ». Un cercle vertueux s’est imposé en quelque sorte. Si les coopérateurs ont dû se soumettre à une certaine discipline, ils en ont rapidement récolté les fruits. En améliorant leur qualité, les AOC Côtes de Provence ont en effet également vu leur prix progresser.
Gare à la pénurie !
Cette montée en gamme n’est pas étrangère à la demande grandissante à l’export. Notamment aux ÉtatsUnis où les rosés de Provence sont plébiscités. «C’est un marché très exigeant sur la qualité. Avant d’être distribué outre-atlantique, on a été auditionné plusieurs fois», explique Florian Lacroux, pour la coopérative cuersoise dont les vins sont commercialisés par la structure Les maîtres vignerons de la presqu’île de Saint-Tropez. Revers de la médaille : la pénurie menace. Pour éviter une telle «catastrophe», la cave cuersoise s’est d’ailleurs rapprochée du cellier St-Sidoine, la cave de Puget-Ville. Cette union permettra en effet de proposer de plus gros volumes de vin.