Cédric Herrou: «Je trouve tout cela très grave»
L’agriculteur de la vallée de la Roya a été condamné hier par la cour d’appel d’Aix-en-Provence à quatre mois de prison avec sursis. Sanction plus sévère qu’en première instance
La cour d’appel d’Aix-en-Provence a tranché, hier matin. L’agriculteur Cédric Herrou, accusé d’avoir aidé des migrants à entrer en France, est condamné à quatre mois de prison avec sursis. Ainsi qu’à verser 1000€ de dommages et intérêts à la SNCF pour l’occupation illicite du domaine des Lucioles, à Saint-Dalmas-de-Tende. Un jugement nettement moins clément qu’en première instance, en octobre dernier, où le militant de la Roya avait écopé de 3000€ d’amende avec sursis. Celui que le président du Département, Eric Ciotti, définissait hier, par voie de communiqué, comme un « délinquant qui instrumentalise la détresse humaine pour servir sa dangereuse idéologie », annonce qu’il se pourvoira en cassation et assure qu’il n’abandonnera pas le combat.
Comment justifier que ce jugement soit plus sévère ? Je ne sais pas. Nous sommes dans le flou. On me demande de me justifier concernant le squat des Lucioles, alors qu’il a été ouvert par un collectif – pas en mon nom. Et que les personnes qui s’y trouvaient n’étaient pas en situation irrégulière. Il est vrai que j’ai fait des actions borderline au début. Mais j’agis désormais en totale légalité. Le dossier me concernant est vide, il n’y a pas de flagrant délit, pas de passage aux frontières. Les juges ne peuvent pas revenir sur l’immunité humanitaire dont j’ai bénéficié lors de mon arrestation il y a un an. On me reproche, au final, d’avoir médiatisé le fait que l’État était dans l’illégalité par rapport aux mineurs et aux demandeurs d’asile. Je mets tous les jours en évidence le fait que la fermeture des frontières ne marche pas.
Le président de la Cour a parlé d’un « avertissement »… C’est une menace. Cela veut clairement dire : si tu continues, on te met en prison. J’avais confiance en la justice, avant, mais je constate qu’elle n’est pas indépendante. Elle est instrumentalisée. On laisse tranquille des navires qui menacent des ONG alors que moi, qui apporte essentiellement un soutien juridique, je suis incriminé. C’est démesuré. Vous pensez aller en prison ? Cela va sûrement arriver, oui. J’espère que l’association Roya citoyenne et le collectif continueront alors leurs actions. Quant à moi, je continuerai à lutter. Par écrit.
Certaines de vos opérations ne vous ont-elles pas porté préjudice ? L’idée n’est pas de faire de la com’. À la maison, j’ai une vingtaine de mineurs pour lesquels rien n’est fait. Ainsi que des réfugiés qu’on ne peut plus aider pour leur demande d’asile. Alors on tire la sonnette d’alarme. Je trouve tout cela très grave. Pas le fait qu’un paysan aille en prison, mais nous allons, peu à peu, vers la déchéance de tout ce que représente la France. La démocratie, le pays des droits de l’Homme... tout est bafoué.
L’avenir de la Roya est aussi en jeu… Si vous prenez votre voiture dix minutes, vous tombez sur gendarmes. Je n’ai évidemment rien contre eux mais ça devient compliqué pour tout le monde. Nous sommes assiégés. Ce serait bien que toute la vallée s’élève contre cette situation. Mais le débat politique met les uns contre les autres.
Quelle marge de manoeuvre, à l’avenir ? On va s’entourer de personnes importantes ; des personnalités publiques et de grands avocats. Dès septembre, on va interpeller les députés européens pour que la situation soit réglée à cette échelle. Avec l’aide de José Bové, notamment. La Cour européenne des droits de l’Homme pourrait être une prochaine étape. J’ai fait un appel à Emmanuel Macron pour qu’il étudie réellement le dossier. Je lui demande une audience. On ne peut pas avoir d’un côté une justice française, et de l’autre une justice des AlpesMaritimes.