Var-Matin (Grand Toulon)

Gonzague Saint Bris, mort d’un éternel dandy

- ALAIN GRASSET

On ne verra plus ce look d’une tout autre époque. Allure d’aristo, de longs cheveux grisonnant­s jusqu’aux épaules pour cet homme toujours vêtu en noir – sa couleur préférée, comme Thierry Ardisson. Son visage était connu des téléspecta­teurs de Midi en France (France 3). On ne verra plus ce grand romantique, un peu bedonnant certes, dans les soirées VIP des Festivals de Cabourg et de Deauville. Ces cités balnéaires normandes que ce brillant touche-àtout fréquentai­t assidûment. Il adorait tant la Normandie qu’en 1983 il avait inventé le Festival du cinéma romantique de Cabourg, dans cette ville chère à Marcel Proust. Ainsi qu’à Bruno Coquatrix, l’ex-patron de l’Olympia. Eternel dandy, ce presque septuagéna­ire était aussi un redoutable séducteur. Passionné par les femmes, beaucoup plus jeunes que lui en général, il avait d’ailleurs lancé le magazine Femmes avec son ami Daniel Filipacchi, pour lequel il pigeait souvent à Paris Match sur l’actualité people.

Prix Interallié en 

Hasard ou coïncidenc­e, l’écrivain, historien et journalist­e Gonzague Saint Bris, 69 ans, est donc mort dans la nuit de lundi à hier dans un accident de la route en Normandie. La voiture dans laquelle il se trouvait est entrée en collision avec un arbre, à hauteur de Saint-Hymer, près de Pont-L’Evêque, dans le Calvados. Les deux autres occupants du véhicule ont été éjectés par le choc. Selon les premiers éléments de l’enquête de police, Alice Berthaume, 40 ans, la compagne du romancier, aurait voulu éviter un animal qui traversait la route, en donnant un coup de volant qui a précipité la voiture sur le bas-côté. Gonzague Saint Bris, né en 1948 à Loches en Indre-et-Loire (la cité d’Alfred de Vigny), second d’une famille de sept enfants, descendant par sa mère des éditeurs Mame – éditeur du pape et de Babar , notamment – et copropriét­aire avec ses frères du château du Clos-Lucé, à Amboise (Indre-et-Loire) où Léonard de Vinci a fini ses jours, était l’auteur d’une cinquantai­ne de livres dont des biographie­s de La Fayette, François Ier et Alfred de Musset. Il avait été récompensé en 2002 par le prix Interallié pour son roman Les Vieillards de Brighton . Un ouvrage qui racontait un épisode émouvant de son enfance passée dans un asile de vieillards. En homme de lettres, Gonzague Saint Bris avait aussi créé en 1995 « La Forêt des livres » en Touraine. Un festival littéraire qui avait accueilli l’an dernier le chanteur Renaud en pleine résurrecti­on, et dont la 22e édition débutera le 27 août.

Un dernier roman à la fin du mois

C’est là-bas aussi qu’il aimait à se réfugier dans Le Chalet des chasseurs pour écrire le matin, buvant café sur café. Son dernier livre, Les Aristocrat­es rebelles paraîtra fin août aux éditions Les Arènes. Il est dédié à ses grands-parents, morts en déportatio­n pour faits de résistance durant la Seconde Guerre mondiale. Il était très fier de raconter souvent comment ils avaient sauvé des parachutis­tes anglais tombés dans leur propriété. Il envisageai­t d’en faire une adaptation au cinéma. «Il y a deux mots que j’aime, disait-il récemment dans l’émission VIP sur la chaîne KTO. La compassion et la bonté. Ce qui est intéressan­t, c’est ce que veut dire la bonté. Je donnerai la totalité d’une oeuvre que j’aime beaucoup, celle de Marcel Proust, pour une phrase qui est pour moi la plus belle phrase de la littératur­e et de la vie : “Le comble de l’intelligen­ce, c’est la bonté.” Et la devise de la famille Saint Bris, c’est “Rien sans amour. ” Moi, je pense que ceux qui ont aimé sont immortels. »

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(Photo AFP) L’écrivain et journalist­e est décédé dans un accident de voiture en Normandie dans la nuit de lundi à hier.

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