Var-Matin (Grand Toulon)

La Mala, à Cap-d’Ail: une calanque où tout n’est qu’éden

- JOËLLE DEVIRAS

Comme les villages perchés d’Èze ou de l’arrière-pays, la plage Mala, à Cap-d’Ail, sait séduire ceux qui ne craignent pas les dénivelés. Mais là, on inverse le sens de l’effort. En contrebas de l’Eden résidence, un ancien palace du XIXe siècle qui a vu passer les plus grandes figures de la première partie du XXe siècle (Sacha Guitry, André Malraux, Winston Churchill, Jean Cocteau, Colette...), il faut descendre quelque deux cents marches pour atteindre le bord de mer. C’est le chemin le plus court, dernière étape après avoir garé sa voiture quelque part un peu ou beaucoup plus haut… Et oui, « la Mala se mérite » disent les Cap-d’Aillois, heureux qu’il en soit ainsi pour préserver leur joyau. Mais le cheminemen­t est déjà pur bonheur: parmi les pins parasols et la nature encore bien peu domestiqué­e, on voit progressiv­ement se dessiner la plage et la mer dans tous ses contrastes de bleus. Outremer, émeraude, turquoise : l’eau est si transparen­te et semble si pure le matin qu’on se dit bel et bien que l’éden est ici. Alors on poursuit la descente des marches, entre la falaise sculptée et la végétation luxuriante, aux antipodes du bitume et des barres d’immeubles qui ont tant abîmé la Côte d’Azur. Seule la voie de chemin de fer trace un sillon de civilisati­on. Un rappel, une fois encore, d’une époque passée où les Parisiens et les Russes empruntaie­nt le train bleu pour venir en villégiatu­re sur la Riviera française. Car même si les rails sont aujourd’hui celle du TER, aucun aménagemen­t « moderne » ne vient gêner la nostalgie de la Belle Époque. Encore quelques dizaines de mètres à descendre. Et la voilà, soudaineme­nt, qui étincelle ! Nichée au creux d’un écrin de roche abrupt et majestueux, la Mala se dévoile coquette et fragile. Entre les falaises : la délicate bande de sable d’une part, le large d’autre part, avec ses caps (Estel et Ferrat) qu’on ne se lasse d’admirer.

Des célébrités

Alors oui, très tôt le matin, l’endroit est rêvé pour une baignade paisible, presque sauvage. Ensuite, les deux restaurant­s - La Réserve et l’Eden - entament leur longue journée. Transats, matelas, parasols, rosé, plats cuisinés, glaces et encore un peu de rosé… Ici, les lunettes noires protègent les yeux fragiles de quelques célébrités. Roger Moore, résident monégasque, aimait s’y détendre. On croise aussi Bono du groupe U2, Youri Djorkaeff, Anthony Caligagan… Mais qu’on ne s’y trompe pas : Cap-d’Ail n’est nullement Saint-Tropez. Et même si la princesse Stéphanie était une habituée des lieux à la fin des années 1980, pas question de céder aux sirènes de la jetset. D’ailleurs, il serait bien réducteur de la cataloguer la Mala comme un spot de milliardai­res et de frimeurs. Elle inspire même profondéme­nt l’inverse ! En famille, entre amis, on y piquenique, on y fait un tour de pédalos, on part seul vers le large en paddle. Quelques cabanons attestent aussi de l’encrage de quelques familles depuis près d’un siècle. Là, depuis des décennies, les hommes pêchent et gardent secret les repaires des daurades, des mulets, des rougets, des girelles…Du poisson frais qui grillera plus encore que le dos des Scandinave­s qui adorent ici se faire bronzer avant de prolonger la soirée au rythme de la bande-son des deux plages privées. Voilà sûrement le seul bémol: une musique racoleuse qui donne qu’une seule envie, celle de couper l’électricit­é. Il faudra donc attendre l’aube pour retrouver la quiétude d’un lieu unique sur la Côte d’Azur, à la fois modeste et sublime, sauvage et élégant.

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(Photo Eric Dulière)

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