Chalucet : richesse historique sous les pelleteuses
L’archéologue Quentin Rochet a dirigé les fouilles préventives lancées le site de l’ancien hôpital. Celles-ci ont permis de mettre au jour l’ancien hospice et plus encore...
Il n’y a encore pas si longtemps, truelles, pelles mécaniques et pinces à épiler s’agitaient autour de l’ancien hôpital Chalucet. C’est que, d’ici l’été 2019, le « quartier de la créativité et de la connaissance », s’étendant de l’avenue Général-Leclerc à la gare, doit sortir de terre. Et pour éviter de bétonner des vestiges historiques à l’aveuglette, la société archéologique lyonnaise Archeodunum a été mandatée pour mener, du 17 octobre au 22 décembre 2016, une campagne de fouilles préventives autour de l’ancienne chapelle de l’hospice. Un premier compte rendu des fouilles a été publié à la fin du mois de juillet sur le site de la revue Archéothéma. Quentin Rochet, le responsable du chantier, revient sur les secrets livrés par l’ancien hôpital construit en 1694 par le neveu du cardinal de Richelieu…
Il n’est pas fréquent de voir des fouilles archéologiques à Toulon. Qu’avez-vous découvert ? Tout d’abord, les vestiges de deux corps de bâtiments de l’Hôpital de la Charité, ou Hôtel-Dieu, construit par l’évêque ArmandLouis Bonnin de Chalucet, le neveu du cardinal de Richelieu, en , et dont il ne reste que la chapelle et un petit bâtiment occupé par le conseil départemental. Un premier ensemble de bâtiments s’étendait sur m, et un autre, le principal, sur m. Mais la vraie surprise a été la découverte de l’ancien hospice, « l’hospice de charité ». Il a été construit en afin d’accueillir des vieillards pauvres et a été détruit par Chalucet. Nous savions, par les archives, qu’il existait mais nous
ne savions pas où il était, ni ce qu’il était devenu. Là, on a mis au jour un bâtiment de m, avec les vestiges d’un grand four domestique…
En quoi ces découvertes sont importantes ?
Il faut savoir que le sujet des hôtelsDieu, ces hôpitaux religieux du XVIIe siècle, est assez peu traité. D’abord parce qu’il n’y en avait que dans les grandes villes, ensuite parce que souvent, ils ont été occupés de façon continue. Celui de Toulon a été réaménagé à partir du XIXe siècle. Il a subi des destructions
au cours de la Seconde Guerre mondiale et n’a été désaffecté qu’à la fin du XXe siècle… Mais la vraie découverte est ailleurs !
Et où ça ?
Dans les poubelles ! Nous avons découvert deux grandes fosses servant de dépotoirs aux pensionnaires de l’hôtel-Dieu. Il y avait des centaines de pipes en terre cuite, des ossements d’animaux, des dominos venant de quinze jeux différents, de la céramique, des balles de mousquet et même un boulet de canon en fonte… Et qu’est-ce que ça nous apprend ? C’est encore en cours d’étude, mais on devrait en savoir un peu plus sur les gens vivant dans les hôtels-Dieu du XVIIe siècle. Il s’agissait des exclus du corps social, les pauvres, les malades, les prostituées. D’ailleurs, celui de Chalucet se trouvait en dehors des fortifications érigées par Vauban. A Toulon, avec l’Arsenal pas très loin, il devait surtout y avoir de vieux marins à la retraite. L’omniprésence des pipes peut s’expliquer par l’utilisation du tabac contre les troubles digestifs au XVIIe siècle. Les os des bas morceaux de viande suggèrent une alimentation de diète, à base de bouillons… Et le boulet de canon ? Huuuummm… Lui, c’est vrai qu’on ne sait pas trop ce qu’il fait là…
Quelle est la suite des opérations ? Les vestiges immobiliers sont destinés à être détruits. Quant aux vestiges mobiliers, nous les étudions, avant de les remettre à l’État à la fin de l’année , au plus tard. Pour le moment, rien n’est prévu pour les montrer au public. Mais il se pourrait que nous fassions une conférence à Toulon, lors de la présentation de nos résultats. En croisant les archives et ce que l’on a découvert, nous en saurons plus sur la vie quotidienne des hôtels-Dieu.