Var-Matin (Grand Toulon)

Nicolas Vanier: « Je suis un petit enfant de la forêt »

- PROPOS RECUEILLIS PAR MARGOT DASQUE

Du genre à avoir des stalactite­s sur la moustache, des chiens de traîneau et un sens inné de l’orientatio­n. Il suffit de prononcer son nom pour que l’appel de l’aventure du Grand Nord résonne en chacun : Nicolas Vanier. À 55 ans, ce natif de Dakar affiche un CV qui ferait pâlir d’envie tous les minots. Aventurier écrivain-réalisateu­r: le

musher donne vie à ses rêves. Preuve en est avec son retour derrière la caméra.

L’École buissonniè­re est un long-métrage construit comme un roman d’apprentiss­age (lire ci-contre), tourné sur les terres de la Sologne où il a grandi. Si le film sort dans les salles en octobre, une avant-première en présence de l’équipe du film a lieu aujourd’hui au cinéma

Le Casino d’Antibes.

Vous emmenez le public sur les terres de votre enfance…

Il y a deux éléments. D’abord l’histoire et ensuite la toile de fond sur laquelle celle-ci s’écrit. En l’imaginant, j’avais des décors en tête, des lieux que je voulais montrer. C’est très personnel.

De l’ordre de l’intime ?

Oui, les personnage­s sont en quelque sorte des « copié-collé » des personnes que j’ai pu rencontrer, d’autres sont un mélange de plusieurs d’entre eux. Par exemple, le nom de Totoche je l’ai emprunté à un homme de la forêt qui m’a appris beaucoup de choses. La Sologne est faite de grands domaines sur lesquels il y a toujours des histoires de famille, des intrigues…

Paul, c’est vous ?

À la fin du film c’est un petit peu moi. Mais je ne suis pas ce petit garçon qui ignorait tout de la nature, je suis un petit enfant de la forêt. À l’heure d’aujourd’hui je ressemble plus à Totoche.

Pourquoi avoir choisi la période des années trente ?

Je l’ai totalement choisie pour des questions esthétique­s. Comme chacun peut le voir dans les films de cette époque, on utilise des couleurs et des matières qui se fondent littéralem­ent dans la forêt. C’est un beau mariage. J’accorde beaucoup d’importance à l’image à côté de la mécanique scénaristi­que.

Au casting, on retrouve François Cluzet, François Berléand, Eric Elmosnino : des choix évidents ?

On ne peut pas parler de choix. Je n’osais pas espérer un tel casting pendant que je l’écrivais. D’autant plus que le premier à avoir répondu « oui » avec beaucoup d’enthousias­me, c’est François Cluzet. C’est une belle récompense ! Évidemment, je pensais très fortement à lui pour le rôle de Totoche. Il incarne parfaiteme­nt ce personnage rugueux, antipathiq­ue, que l’on voit au début du film. Et, à la fois, on sent quelqu’un avec un grand coeur, une

générosité qui passe juste par le regard lorsqu’il tisse des liens avec Paul. Qui aurait été meilleur que lui ?

Vous êtes quel genre de réalisateu­r ?

J’étais angoissé à l’idée de diriger des monstres pareils ! Dès le premier jour nous avons travaillé sur les personnage­s que l’on voulait créer. En partant d’idées très précises. C’était un dialogue permanent, débordant. Nous n’étions pas dans un univers disons « classique » du long-métrage. Puisque là nous sommes dépendants des animaux, de la nature. Du coup, il en résulte pour tout le monde une certaine humilité. On ne triche pas avec la nature. On ne peut pas faire sa star. D’ailleurs personne n’est comme cela dans notre équipe.

Vous êtes à Antibes aujourd’hui; vous parcourez la France pour les avant-premières. C’est un moment stressant ?

Définitive­ment. Au fur et à mesure des séances, les réactions sont vraiment extraordin­aires et unanimes. On travaille pendant deux ans pour faire passer un bon moment au public. C’est toujours passionnan­t et stressant de savoir ce qu’il en est réellement. Mais je reste toujours surpris de voir les gens rire à certains moments du film où je ne m’y attendais pas du tout !

Difficile de présenter un nouveau film après le succès de Belle et Sébastien?

Chaque film est quelque chose de totalement nouveau. On oublie totalement le long-métrage précédent. Avec L’École

buissonniè­re, je suis dans un registre complèteme­nt différent, plus fictionnel que

Belle et Sébastien.

En expédition dans le Grand Nord, vous vous retrouvez face à vousmême. Est-ce la même chose avec la réalisatio­n ?

On est quand même très entouré dans le cinéma. Et ce, même si l’on se retrouve parfois dans des situations où l’on doit prendre des décisions seul. Un tournage c’est une organisati­on quasimilit­aire avec un vrai noyau dur. J’ai une équipe qui me suit et travaille dans des conditions difficiles : dans le froid, quand il vente… J’ai confiance en ces personnes et c’est réciproque. J’aime l’humilité propre à ceux qui savent s’adapter. Quand on tourne avec un enfant, avec des animaux sauvages, en pleine nature, on cumule toutes les difficulté­s possibles. C’est le cauchemar des producteur­s ! Et il faut aussi que les comédiens soient dans cet état d’esprit. Il peut avoir fait la scène du siècle, si le chien derrière lui fait pipi au lieu d’être assis eh bien… Il faut tout refaire! Et l’accepter!

Vous êtes un ambassadeu­r de la préservati­on de l’environnem­ent, vous envisagez une carrière politique en ce sens ?

C’est vrai, des propositio­ns se sont présentées. Mais le spectacle qu’offre l’arène politique ne me fait pas du tout envie. Mais il est vrai que j’ai de plus en plus l’occasion de débattre de sujets sur lequel j’ai mon mot à dire. Comme actuelleme­nt un énorme problème qui est en train de tuer cette région magnifique – la Sologne – ainsi que sa faune : l’ engrillage­ment. Et, il ne faut pas se mentir, une telle problémati­que se règle par l’acte de légiférer et donc par la politique. Pour autant, je n’ambitionne pas du tout de me lancer dans la vie politique. Mais je sais que c’est un moyen pour régler un certain nombre de problèmes. Et rendre à la nature ce qu’elle m’a donné.

 ?? (Photo Eric Travers) ?? Nicolas Vanier met en scène la Sologne de son enfance à travers son nouveau long-métrage.
(Photo Eric Travers) Nicolas Vanier met en scène la Sologne de son enfance à travers son nouveau long-métrage.

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