« Dans la continuité des lois précédentes »
« cela ne fait pas partie de nos conversations quotidiennes. On reste concentré sur l’activité de l’entreprise. »
Fusion des instances représentatives : une bonne nouvelle
On n’en demeure pas moins attentif à l’évolution du dialogue social. Ici, comme ailleurs, on accueille favorablement Le jeune patron varois pour qui « un délégué syndical doit défendre les intérêts des salariés en tenant compte de l’environnement de l’entreprise, le comprendre… et de parvenir à trouver un accord gagnant — gagnant, c’est cela le plus important. » Il n’occulte pas une « réalité »: « Je siège à la commission paritaire nationale de la branche librairie papeterie, j’ai des représentants syndicaux en face de moi et il faut reconnaître qu’il y a un vrai besoin de renouvellement des représentants syndicaux. » À Charlemagne, patrons comme salariés ne relèvent pas de raisons de se plaindre du dialogue social: «Cela fonctionne plutôt bien », relève Arnaud Rousseau. Et les aménagements du travail s’appuient le plus généralement sur la base du volontariat : « Lorsque nous avons décidé de mettre en place un service de 5 h à 13 h à notre dépôt de La Valette, nous l’avons fait sur la base du volontariat.» et aucun accord écrit et signé par les représentants du personnel n’a formalisé cette nouvelle organisation. » «Le CE a été consulté, précise Arnaud Rousseau .» «Le temps de travail ne changeait pas, c’était une adaptation, comme si dans un magasin on demande à du personnel de rentrer plus tôt pendant une semaine, on s’appuie sur les volontaires pour le faire, sans passer par un accord d’entreprise ». Pas nécessaire : «On a besoin de cette flexibilité, on est une société qui s’appuie sur des petites entreprises sur différents sites en somme, ajoute Arnaud Rousseau. Il est nécessaire d’être rapide et de pouvoir réagir de suite… »
Les limites de la flexibilité
Flexibilité, le mot est lâché. Olivier Rouard abonde: « C’est vrai que l’on a besoin de faire face aux variations de l’activité économique. » Et ça se comprend. Mais comme le relève Annie, l’une des employées, sans parler de la seule entreprise Charlemagne : « La difficulté de la flexibilité, c’est qu’en dehors de l’entreprise, le monde n’est pas adapté pour les salariés qui y sont confrontés… » En substance : comment louer un appartement, disposer d’un prêt bancaire etc. sans garantie d’emploi à durée indéterminée ? « Il faudrait que les pouvoirs publics, que le gouvernement, se penchent sur ce problème » qui pour le coup, est vraiment un problème de société. Me Caroline Blanchard-Crego est avocate associée au sein du cabinet Capstan Avocats à Sophia Antipolis. Pour cette spécialiste en droit du travail, ces ordonnances sont «dans la continuité des lois Rebsamen en 2015 et El Khomri en 2016 ». Certaines dispositions de ces ordonnances avaient même déjà été proposées par les précédents ministres du Travail sans qu’elles ne soient finalement inscrites dans la loi. « Ces textes me semblent équilibrés : ils assurent un développement de l’économie tout en étant dans un schéma qui préserve les droits des salariés. » Elle estime que la limitation des indemnités aux prud’hommes en cas de licenciement abusif permettra de tendre vers une uniformisation de leur montant. « Aujourd’hui, les indemnités peuvent varier du simple au double voire au triple selon les juridictions. Et bon nombre de petites entreprises ont peur de recruter parce qu’elles ne savent pas ce que ça risque de leur coûter en cas de procès.» Quant à la réduction de vingtquatre à douze mois du délai de recours aux prud’hommes, « il s’inscrit dans un processus amorcé il y a quelques années» puisqu’en 2013 la loi sur la Sécurisation de l’emploi l’avait déjà réduit de 5 à 2 ans.
“Une première étape”
« Dans les petites entreprises, la part des employeurs qui abusent de leur position est marginale », poursuit Me BlanchardCrego. Elle voit donc d’un bon oeil la mesure permettant aux chefs d’entreprise, lorsqu’il y a moins de onze employés, de négocier directement avec les salariés. Cela peut permettre de s’extraire d’un accord de branche qui n’est pas forcément à l’avantage du personnel. « C’est un cas que je rencontre avec des petites sociétés d’ingénieurs à Sophia Antipolis. Elles ne peuvent pas mettre en place le forfait jour qui permettrait pourtant aux salariés de disposer de dix jours de repos supplémentaire.» Satisfecit aussi concernant la fusion des instances représentatives du personnel qui « simplifiera le fonctionnement sans porter atteintes aux droits des salariés ». Une réserve malgré tout sur la « lourdeur » des nouvelles instances. Seul vrai bémol dans les annonces d’hier : la réduction du périmètre du licenciement
économique. Aujourd’hui, lorsqu’une entreprise veut lancer un plan social, on prend en compte sa situation dans tous les pays où elle est implantée. Désormais, on ne s’attachera qu’à sa santé dans l’Hexagone. « Il faudra veiller à ce qu’il n’y ait pas de dérives avec des groupes qui pourraient assécher leurs filiales françaises. » Ces dispositions seront-elles suffisantes pour booster les embauches ? « La réforme du droit du travail fait partie d’un tout. C’est une première étape. Il faut que le gouvernement poursuive ses réformes tant en matière de formation professionnelle que dans le domaine fiscal. »
« Toutes les craintes que nous avions sont confirmées et la crainte supplémentaire c’est évident et c’est écrit: c’est la fin du contrat de travail [...] Ce qu’on nous présentait comme une révolution, c’est la continuité de ce qui a été fait précédemment. »
« La CFDT est déçue [...] Le gouvernement a raté le coche. Il y a une occasion manquée sur le renforcement du dialogue social et par ailleurs des dispositions négatives pour les salariés [...] Nous regrettons que sur un certain nombre de sujets, ce soit le dogmatisme qui l’ait emporté, notamment sur les indemnités prud’homales, et le périmètre économique du licenciement. »
« Cette réforme par ordonnances est une première étape dans la construction d’un droit du travail en phase avec les réalités quotidiennes des entreprises.»