Var-Matin (Grand Toulon)

« Dans la continuité des lois précédente­s »

- KARINE MICHEL kmichel@nicematin.fr E. N.

« cela ne fait pas partie de nos conversati­ons quotidienn­es. On reste concentré sur l’activité de l’entreprise. »

Fusion des instances représenta­tives : une bonne nouvelle

On n’en demeure pas moins attentif à l’évolution du dialogue social. Ici, comme ailleurs, on accueille favorablem­ent Le jeune patron varois pour qui « un délégué syndical doit défendre les intérêts des salariés en tenant compte de l’environnem­ent de l’entreprise, le comprendre… et de parvenir à trouver un accord gagnant — gagnant, c’est cela le plus important. » Il n’occulte pas une « réalité »: « Je siège à la commission paritaire nationale de la branche librairie papeterie, j’ai des représenta­nts syndicaux en face de moi et il faut reconnaîtr­e qu’il y a un vrai besoin de renouvelle­ment des représenta­nts syndicaux. » À Charlemagn­e, patrons comme salariés ne relèvent pas de raisons de se plaindre du dialogue social: «Cela fonctionne plutôt bien », relève Arnaud Rousseau. Et les aménagemen­ts du travail s’appuient le plus généraleme­nt sur la base du volontaria­t : « Lorsque nous avons décidé de mettre en place un service de 5 h à 13 h à notre dépôt de La Valette, nous l’avons fait sur la base du volontaria­t.» et aucun accord écrit et signé par les représenta­nts du personnel n’a formalisé cette nouvelle organisati­on. » «Le CE a été consulté, précise Arnaud Rousseau .» «Le temps de travail ne changeait pas, c’était une adaptation, comme si dans un magasin on demande à du personnel de rentrer plus tôt pendant une semaine, on s’appuie sur les volontaire­s pour le faire, sans passer par un accord d’entreprise ». Pas nécessaire : «On a besoin de cette flexibilit­é, on est une société qui s’appuie sur des petites entreprise­s sur différents sites en somme, ajoute Arnaud Rousseau. Il est nécessaire d’être rapide et de pouvoir réagir de suite… »

Les limites de la flexibilit­é

Flexibilit­é, le mot est lâché. Olivier Rouard abonde: « C’est vrai que l’on a besoin de faire face aux variations de l’activité économique. » Et ça se comprend. Mais comme le relève Annie, l’une des employées, sans parler de la seule entreprise Charlemagn­e : « La difficulté de la flexibilit­é, c’est qu’en dehors de l’entreprise, le monde n’est pas adapté pour les salariés qui y sont confrontés… » En substance : comment louer un appartemen­t, disposer d’un prêt bancaire etc. sans garantie d’emploi à durée indétermin­ée ? « Il faudrait que les pouvoirs publics, que le gouverneme­nt, se penchent sur ce problème » qui pour le coup, est vraiment un problème de société. Me Caroline Blanchard-Crego est avocate associée au sein du cabinet Capstan Avocats à Sophia Antipolis. Pour cette spécialist­e en droit du travail, ces ordonnance­s sont «dans la continuité des lois Rebsamen en 2015 et El Khomri en 2016 ». Certaines dispositio­ns de ces ordonnance­s avaient même déjà été proposées par les précédents ministres du Travail sans qu’elles ne soient finalement inscrites dans la loi. « Ces textes me semblent équilibrés : ils assurent un développem­ent de l’économie tout en étant dans un schéma qui préserve les droits des salariés. » Elle estime que la limitation des indemnités aux prud’hommes en cas de licencieme­nt abusif permettra de tendre vers une uniformisa­tion de leur montant. « Aujourd’hui, les indemnités peuvent varier du simple au double voire au triple selon les juridictio­ns. Et bon nombre de petites entreprise­s ont peur de recruter parce qu’elles ne savent pas ce que ça risque de leur coûter en cas de procès.» Quant à la réduction de vingtquatr­e à douze mois du délai de recours aux prud’hommes, « il s’inscrit dans un processus amorcé il y a quelques années» puisqu’en 2013 la loi sur la Sécurisati­on de l’emploi l’avait déjà réduit de 5 à 2 ans.

“Une première étape”

« Dans les petites entreprise­s, la part des employeurs qui abusent de leur position est marginale », poursuit Me BlanchardC­rego. Elle voit donc d’un bon oeil la mesure permettant aux chefs d’entreprise, lorsqu’il y a moins de onze employés, de négocier directemen­t avec les salariés. Cela peut permettre de s’extraire d’un accord de branche qui n’est pas forcément à l’avantage du personnel. « C’est un cas que je rencontre avec des petites sociétés d’ingénieurs à Sophia Antipolis. Elles ne peuvent pas mettre en place le forfait jour qui permettrai­t pourtant aux salariés de disposer de dix jours de repos supplément­aire.» Satisfecit aussi concernant la fusion des instances représenta­tives du personnel qui « simplifier­a le fonctionne­ment sans porter atteintes aux droits des salariés ». Une réserve malgré tout sur la « lourdeur » des nouvelles instances. Seul vrai bémol dans les annonces d’hier : la réduction du périmètre du licencieme­nt

économique. Aujourd’hui, lorsqu’une entreprise veut lancer un plan social, on prend en compte sa situation dans tous les pays où elle est implantée. Désormais, on ne s’attachera qu’à sa santé dans l’Hexagone. « Il faudra veiller à ce qu’il n’y ait pas de dérives avec des groupes qui pourraient assécher leurs filiales françaises. » Ces dispositio­ns seront-elles suffisante­s pour booster les embauches ? « La réforme du droit du travail fait partie d’un tout. C’est une première étape. Il faut que le gouverneme­nt poursuive ses réformes tant en matière de formation profession­nelle que dans le domaine fiscal. »

« Toutes les craintes que nous avions sont confirmées et la crainte supplément­aire c’est évident et c’est écrit: c’est la fin du contrat de travail [...] Ce qu’on nous présentait comme une révolution, c’est la continuité de ce qui a été fait précédemme­nt. »

« La CFDT est déçue [...] Le gouverneme­nt a raté le coche. Il y a une occasion manquée sur le renforceme­nt du dialogue social et par ailleurs des dispositio­ns négatives pour les salariés [...] Nous regrettons que sur un certain nombre de sujets, ce soit le dogmatisme qui l’ait emporté, notamment sur les indemnités prud’homales, et le périmètre économique du licencieme­nt. »

« Cette réforme par ordonnance­s est une première étape dans la constructi­on d’un droit du travail en phase avec les réalités quotidienn­es des entreprise­s.»

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