Essai nucléaire de la Corée du Nord: l’onde de choc
Pyongyang a annoncé hier avoir réussi son 6e essai nucléaire – une bombe H –, d’une puissance 5 à 6 fois supérieure au précédent, provoquant un tollé mondial
Un pas de plus en direction du gouffre. La communauté internationale était en émoi, hier soir, après le nouveau défi lancé à la face du globe par la Corée du Nord. Après des semaines de tensions croissantes, à grand renfort d’escalade verbale avec les États-Unis et de tirs de missiles – dont le dernier en date, pas plus tard que le 29 août, a survolé le Japon –, Pyongyang a déclaré hier avoir effectué un nouvel essai nucléaire, qualifié de «réussite parfaite » par les autorités. Détectée vers 5 h 30 du matin (heure de Paris) par les agences géologiques étrangères (sous la forme d’une secousse sismique d’une magnitude de 6,3 près du principal site nord-coréen d’essais nucléaires, à PunggyeRi, dans le nord-est du pays), il s’agit de la sixième expérience de ce type menée par Kim Jong-un, et de la plus puissante ce jour: selon des spécialistes sud-coréens, elle était cinq à six fois supérieure à celle du précédent essai de septembre 2016, d’une puissance de 10 kilotonnes.
La menace d’une « réponse militaire massive »
Ce qui accrédite, aux yeux des experts étrangers, l’affirmation du régime nord-coréen selon laquelle il s’agit, pour la première fois, d’une bombe H (bombe à hydrogène ou thermonucléaire). Quelques heures auparavant, Pyongyang avait en effet publié des photos montrant Kim Jong-Un en train d’inspecter ce qui était présenté comme tel, sous une forme pouvant être installée sur le nouveau missile balistique intercontinental dont dispose le régime nordcoréen – qui est, en théorie, capable d’atteindre le territoire des États-Unis. Ces derniers ont aussitôt réagi fortement. Donald Trump, qui avait déjà promis le mois dernier à Pyongyang «le feu et la colère», a dénoncé un acte « très hostile » et « un danger pour les États-Unis ». « Toute menace visant les États-Unis ou ses territoires, y compris Guam, ou ses alliés, fera l’objet d’une réponse militaire massive» ,a averti le secrétaire à la Défense américain Jim Mattis à l’issue d’une réunion à la Maison-Blanche. Mais l’option militaire – jugée extrêmement risquée par les experts, car elle pourrait provoquer une réaction en chaîne et un grave conflit régional – n’est pas la seule arme brandie hier par les États-Unis. Jugeant qu’une politique d’«apaisement » ne «fonctionnera pas» (envoyant au passage une pique à la Corée du Sud qui a provoqué de vives réactions), les États-Unis ont en effet annoncé préparer de nouvelles sanctions contre la Corée du Nord. Et sur le plan diplomatique, Donald Trump a estimé hier que Pyongyang était désormais devenu «une grande menace et une source d’embarras pour la Chine». Une manière de mettre à nouveau la pression sur le géant asiatique pour contrôler son turbulent voisin.
Pékin hausse le ton
Et histoire de bien faire passer le message, il a affirmé que les États-Unis «examinent la possibilité, en plus d’autres options, de mettre fin à tous les échanges commerciaux avec tout pays faisant des affaires avec la Corée du Nord ». Sans citer directement la Chine, mais celle-ci est destinataire de 90% des exportations nord-coréennes. Pékin a de son côté «condamné vigoureusement» l’essai nucléaire, et a exhorté Pyongyang à «cesser ses actions erronées qui aggravent la situation et ne servent pas ses propres intérêts». Mais la nouvelle provocation nord-coréenne a provoqué des remous bien au-delà des États-Unis et de la Chine. Dès l’annonce d’un séisme imputé à une probable «explosion» en Corée du Nord, le Premier ministre nippon Shinzo Abe, dont le pays est lui aussi directement concerné, avait ainsi déclaré ce nouvel essai nucléaire «absolument inacceptable». Le président sud-coréen Moon Jae-In a de son côté demandé d’infliger «la punition la plus forte» contre Pyongyang, notamment via de nouvelles sanctions dans le cadre de l’ONU afin d’«isoler complètement la Corée du Nord».
Réunion du Conseil de sécurité aujourd’hui
Lui faisant écho, Emmanuel Macron a appelé la communauté internationale à réagir « avec la plus grande fermeté ». Le président français et la chancelière allemande Angela Merkel, rejoints par le Premier ministre italien Paolo Gentiloni, se sont dits favorables à «un durcissement» des sanctions de l’UE contre Pyongyang, à l’heure où la « dernière provocation en date» du régime nord-coréen a «atteint une nouvelle dimension», selon les termes de Berlin. Et la chef de la diplomatie européenne, Federica Mogherini, a fustigé « une provocation majeure» et appelé le Conseil de sécurité à «adopter une position ferme et efficace». A l’inverse, Moscou, tout en condamnant «le mépris» manifesté par Pyongyang pour les résolutions onusiennes, a surtout lancé un appel à la retenue, jugeant «impératif de rester calme et d’éviter toute action qui conduirait à une nouvelle escalade». Parmi les organisations internationales, l’Otan s’est dite «inquiète du caractère déstabilisant de l’attitude de Pyongyang, qui menace la sécurité régionale et internationale». L’essai nord-coréen est « profondément déstabilisant » ade son côté estimé le secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres. Le Conseil de sécurité des Nations Unies doit se réunir aujourd’hui sur le sujet.