Sami Nouri : un destin cousu de fils d’or
La trajectoire extraordinaire de ce jeune Afghan en exil en Iran et débarqué sur le pavé Tourangeau à 14 ans, avant de devenir styliste courtisé à Paris, inspire déjà les producteurs de cinéma
Alors qu’un grand-angle vise avec insistance sa silhouette élancée sur le port de Saint-Tropez, les badauds s’interrogent sur l’identité du jeune homme ainsi mitraillé. « Ce doit être un mannequin ! », professe avec assurance une dame. Bien tenté ! En réalité, Sami Nouri, devenu en un an la coqueluche des médias, les fait défiler. Mais avant de se dresser sur les podiums, le jeune styliste a dû sacrément faire la route… Toujours en « souterrain ». De son Afghanistan natale à l’Iran en passant par la Turquie et un périple européen chaotique qui l’a laissé adolescent, abandonné par son passeur sur un quai de gare… à Tours. Aujourd’hui, à son tour de raccrocher les wagons d’une existence qui l’a propulsé cet été au Château du Bois-Guy, à deux pas du Mont-Saint-Michel, pour présenter sa première collection haute couture. Mais comme Sami Nouri n’oublie pas d’où il vient, le défilé avait pour thème l’exode. Bref, son histoire symbolisée par un motif récurrent en forme de fil de fer barbelé brodé sur soie, cachemire, cuir et autres matériaux nobles présentés aux quelque deux cents invités. « Mon autre signature, c’est le tulle. Cette matière offre de la transparence, alors que chez nous on cachait les femmes… Maintenant, je préfère que l’on parle de mon travail plutôt que des épreuves. Depuis mon arrivée en France, je cumule les belles rencontres, comme ici dans le golfe de Saint-Tropez où j’ai débuté en faisant des défilés à Pampelonne et La Croix-Valmer », sourit Sami, 21 ans à peine, mais dans la confection depuis l’âge de 8 ans !
Repéré chez Sophie Davant
« Je travaillais dans une manufacture pour aider mon père. C’était un peu l’abattage mais ça nous permettait de vivre en exil, sans papiers… À 14 ans, fin 2010, nous avons voulu fuir vers l’Europe. C’est là que notre famille a été séparée… Après une marche dans les montagnes, voiture, avion et train, je me suis retrouvé à Tours sans même savoir dans quel pays j’avais atterri. Les policiers m’ont récupéré et j’ai été placé en foyer puis finalement en famille d’accueil», raconte-t-il dans un très bon français. La scolarisation en lycée pro puis son premier stage dans un atelier de retouches tourangeau lui mettront le pied à l’étrier avant de faire ses premières armes dans de grandes maisons (lire ci-dessous) et rencontrer son bienfaiteur. « Je dois beaucoup à Mickaël Linhoff, un homme d’affaires suissodanois qui m’avait vu chez Sophie Davant en 2015. Il a été touché par mon histoire et a décidé de me prendre sous son aile en me donnant des moyens ». Dès lors, les choses s’accélèrent pour le petit prodige qui bénéficie du carnet d’adresses de son mécène. Allié à son talent, il n’en finit plus d’ouvrir des portes… « Sur le plateau de l’émission Quotidien de Yann Barthès, nous avons eu un flash avec Beth Ditto que je pense habiller pour la scène. À la rentrée, j’ai des demandes pour une collection capsule à mon nom chez Charles Jourdan ». Les Tricots SaintJames, célèbres pour leurs marinières, lui font aussi de l’oeil. Un sacré clin à son «modèle», JeanPaul Gaultier alors que naît à la rentrée la griffe Sami Nouri Paris. Boutique, collection de prêt à porter de luxe et haute couture suivront tandis que des producteurs jouent déjà des coudes pour épingler ce parcours hors norme sur grand écran.