Var-Matin (Grand Toulon)

Le Var à sec

Les cours d’eau ne sont plus en mesure de satisfaire tous les besoins. L’agence de l’eau y voit un effet du changement climatique et propose des solutions.

- PROPOS RECUEILLIS PAR ERIC MARMOTTANS emarmottan­s@nicematin.fr

La pluie annoncée pour ce samedi n’y changera rien. Le départemen­t du Var (comme le reste de la région) est confronté à un manque d’eau. Laurent Roy, directeur de l’agence de l’eau Rhône-Méditerran­ée, fait le point sur cette pénurie et ces causes (lire ci-dessous). Selon les estimation­s, 24 millions de mètres cubes d’eau manquent en Paca (dont 8,4 millions de m3 dans le Var) durant les mois déficitair­es, soit l’équivalent de la consommati­on de 520 000 habitants. L’eau s’est raréfiée au point que des mesures de restrictio­n d’usage, plus ou moins contraigna­ntes, ont été prises cet été (lire nos éditions précédente­s). Selon Laurent Roy, ces crises – jusque-là épisodique­s – se répèteront chaque année, et empireront, si rien est entrepris pour économiser la ressource.

Une carte avec des “volumes en eau à gagner” a été établie (ci-contre), de quoi s’agit-il concrèteme­nt ? Le schéma directeur d’aménagemen­t et de gestion des eaux (Sdage) estime à  %, la proportion des masses d’eau superficie­lle – rivières, bassins versants des lacs… – sur lesquelles la ressource en eau ne peut pas satisfaire à la fois tous les usages, et le bon fonctionne­ment des milieux aquatiques. Le Sdage a demandé que pour chacun des territoire­s en tension soit réalisé un PGRE (plan de gestion de la ressource en eau). Au préalable, il a fallu calculer l’ensemble des besoins en eau (potable, irrigation, usages industriel­s), et ce que la ressource pouvait naturellem­ent donner en fonction des besoins biologique­s. La différence donne les volumes de déficit. Cette carte chiffre les objectifs d’économie d’eau à réaliser pour restaurer l’équilibre sur ces territoire­s en déficit.

Quelles sont les conséquenc­es de ces déficits ? On se retrouve un peu trop souvent en situation de crise, dès lors qu’il fait un temps sec. Les préfets sont alors amenés à prendre des arrêtés de restrictio­n des usages (tel qu’actuelleme­nt dans le Var, Ndlr): arrosages, remplissag­e des piscines… Ça peut aller jusqu’à des restrictio­ns plus sensibles comme l’irrigation agricole. Nous disons qu’il faut sortir de cette gestion par la crise pour mettre en place un programme durable, pérenne, de retour à l’équilibre. C’est l’objectif des PGRE.

Où en est la mise en place de ces plans de gestion de la ressource en eau ? La démarche est inégalemen­t avancée. Dans le Var, sur le bassin du Giscle c’est déjà fait, le PGRE a été adopté le  janvier dernier. Sur le bassin de l’Argens par contre, il est en cours d’élaboratio­n : il est bien avancé mais pas terminé. Sur le Gapeau, c’est celui qui est le moins avancé, on en est encore au stade de la réflexion préalable. Chacun de ces PGRE implique une part de concertati­on avec l’ensemble des utilisateu­rs (agriculteu­rs, collectivi­tés, industriel­s, associatio­ns, pêcheurs, etc.). Le premier objectif, c’est la réalisatio­n d’économies tous azimuts.

Comment faire ces économies ? Il y a plein de pistes possibles. Pour les collectivi­tés – l’usage d’eau potable – cela peut être la lutte contre les fuites dans les réseaux. Il y a encore trop de fuites sur un certain nombre de réseaux d’eau potable. Cela peut être aussi la modificati­on des comporteme­nts de tout un chacun. Pour le monde agricole, il y a le passage du mode d’irrigation gravitaire – ces anciens canaux traditionn­els qui apportent des quantités d’eau importante­s en partie gaspillée – vers des systèmes non gravitaire­s (par pompage) tels que le goutte-à-goutte qui permet d’apporter à la plante exactement la quantité d’eau dont elle a besoin. L’une des pistes retenues par le PGRE de La Giscle est la réutilisat­ion des eaux usées traitées, plutôt que d’aller pomper dans la ressource en eau, pour l’arrosage des terrains de golf et des espaces verts communaux.

Les systèmes de transfert d’eau du type Canal de Provence, ne sont-ils pas en mesure de compenser les déficits ? Il est important de bénéficier de ce type d’infrastruc­tures sinon la situation serait bien plus préoccupan­te, mais ça ne peut pas donner l’impression qu’on est à l’abri quoi qu’il arrive. Il y a une dizaine d’années, on a connu une situation très tendue sur l’axe Durance, il avait fallu restreindr­e l’irrigation sur l’aval, limiter la production d’hydroélect­ricté, et remettre en route les centrales à charbon de Gardanne et de Martigues. On était dans une situation de crise malgré l’existence de systèmes de transfert. Selon des études de modélisati­on de changement climatique, on risque, sur la Durance, de se retrouver en crise une année sur trois ou quatre. Ces infrastruc­tures sont donc précieuses mais n’exonèrent pas de l’effort collectif. En fait, il ne faut plus opposer la gestion par l’offre (infrastruc­tures) à la gestion par la demande (économies), les deux sont complément­aires. Dans une région méditerran­éenne, on a besoin des deux.

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