Un avion «renifleur» pour prévoir les feux de forêts
Au lendemain d’un été destructeur pour la forêt, une société cuersoise a mis au point un système permettant de prévoir les feux, de suivre en direct les fronts d’incendie et d’éviter les reprises
Des longues nuits d’hiver passées à survoler l’agglomération toulonnaise peuvent parfois naître des idées lumineuses. L’histoire ne dit pas si, dans le froid du cockpit de son bimoteur Skymaster, Alexis Giordana rêvait à un bon feu de cheminée, mais alors qu’il multipliait les vols dans le ciel de Toulon Provence Méditerranée, à la chasse au gaspi, le p.-d.g. de la société cuersoise Action Air Environnement a eu une fulgurance : pourquoi ne pas utiliser ses appareils de détection de perte de chaleur à la lutte contre les feux de forêts ? Plus connu pour son autre activité – la publicité aérienne au-dessus des plages varoises – Alexis Giordana sait de quoi il parle. Pendant deux étés, à la demande du Service départemental d’incendie et de secours des Bouches-du-Rhône (Sdis 13), il a volé au-dessus des flammes. « Pour les besoins d’un programme scientifique, on avait l’autorisation de voler au-dessus des Canadair en intervention », raconte l’intéressé. C’est là que le concept, depuis baptisé granDUC (1), s’est peaufiné.
La flore sous haute surveillance
En couplant une caméra infrarouge haut de gamme et une caméra hyperspectrale, le tout relié à une centrale inertielle pas plus grosse qu’une boîte d’allumettes et à un appareil photo, « afin de corréler les images scientifiques avec les images réelles », précise Alexis Giordana, granDUC devrait permettre de cartographier sur une grande échelle tout un tas d’indicateurs utiles pour identifier les zones à risque imminent. « Grâce à nos capteurs, on connaîtra avec une extrême précision le stress hydrique des végétaux, l’état chlorophyllien des feuilles et essences, le delta des températures, à 2 centièmes de degré près, entre les végétaux de différents massifs, l’échauffement lié à la fermeture des stomates (les feuillages, ndlr) suite à un coup de vent violent ou de fortes températures, ou encore l’état hydrique de la matière sèche au sol », détaille Alexis Giordana.
Un système très compétitif
Le p.-d.g. d’Action Air Environnement va plus loin dans les perspectives intéressantes que semble offrir son concept. « En jouant sur certains paramètres, on arrive à voir à travers les fumées, à les effacer en quelque sorte. On peut donc suivre en direct les fronts d’incendie et, dans la foulée, en transmettre les vues aux pilotes des bombardiers d’eau dont les largages gagneront en efficacité. Les incendies éteints, on pourra également détecter les zones restées chaudes sous terre et ainsi prévenir d’éventuelles reprises ». Quant à la concurrence, le p.-d.g. d’Action Air Environnement est confiant. Et pour cause. « Le matériel qu’on propose d’utiliser pour lutter contre les feux serait amorti par les missions de thermographie. Il est par ailleurs moins cher que les boules optroniques issues de la technologie militaire ». Sûre de sa force, la société cuersoise espère bien remporter l’appel d’offres du Sdis 13 l’année prochaine. 1. La marque a été déposée sous cette forme à l’Institut national de la propriété industrielle.