Var-Matin (Grand Toulon)

Signé Roselyne

Le regard de Roselyne Bachelot sur l’actualité

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Lundi

Il y a de quoi avoir peur à l’annonce de ce sixième essai nucléaire nord-coréen, le deuxième en moins d’une semaine. Cette fois, il s’agit bien d’une bombe H d’une puissance dix fois supérieure au précédent lancement. J’entends bien les spécialist­es, géostratèg­es et politologu­es de tout acabit, nous expliquer que tout ceci n’est qu’une intimidati­on destinée par Kim Jong-un à éviter à son pays le sort de l’Irak ou de la Libye. Certes, mais quand on joue avec les allumettes, il ne faut pas s’étonner de mettre le feu aux rideaux surtout quand votre petit camarade de jeux s’appelle Donald Trump. Alors pour sourire – quand même –, il suffisait, hier dimanche, de regarder la victoire de notre super Teddy aux Championna­ts du monde de judo à Budapest. Teddy Riner, montagne de muscles au sourire d’enfant, se déplace sur le tatami avec l’agilité d’une gazelle, la puissance d’un éléphant et l’enveloppem­ent d’un boa constricto­r. Riner est avant tout un homme pétri de bonté, dénué de toute vanité, et qui sait que monter au sommet d’une discipline n’est jamais le résultat du seul talent mais le fruit d’une discipline et d’un travail acharnés. Ne nous voilons pas la face, la demi-finale contre le Géorgien Tushishvil­i a montré des faiblesses inquiétant­es chez notre star. S’il veut conquérir une troisième médaille Olympique à Tokyo en , c’est à un sérieux travail de préparatio­n physique et mentale et un calendrier de compétitio­ns bâti avec intelligen­ce que le chéri des dojos devra s’astreindre.

Mardi

C’est bien les vacances mais quand nos chères têtes blondes (ou brunes ou rousses d’ailleurs) reprennent le chemin de l’école, nous poussons un ouf de soulagemen­t. Emmanuel Macron, lui, a fait sa rentrée à Forbach dans une de ces fameuses classes de CP dédoublées, à  enfants au maximum, qui sont l’emblème des réformes scolaires qu’il veut mener. Je pensais entendre un concert de louanges devant cette mesure et j’avoue ma stupéfacti­on devant les déclaratio­ns de certains responsabl­es syndicaux de l’Education nationale. Que n’avions-nous pas entendu sur les effets désastreux des effectifs pléthoriqu­es, la dénonciati­on de la perte de chances pour les élèves défavorisé­s et l’épuisement des enseignant­s ! Et voilà que les mêmes nous expliquent doctement que finalement, non, les effets bénéfiques du dédoubleme­nt sont plus qu’incertains et vont jusqu’à avancer qu’il pourrait avoir des effets contreprod­uctifs en majorant la pression sur les élèves et en retardant leur socialisat­ion. Quant aux professeur­s prétendume­nt à bout devant les classes à , ils seraient maintenant soumis à une exigence de travail personnali­sé, source de stress indéniable. A qui se fier ? Il faut reconnaîtr­e au ministre Jean-Michel Blanquer un revigorant bon sens dans sa démarche, tel le retour à l’alphabétis­ation syllabique, aux classes bilangues, aux langues anciennes. Toutefois, il n’a pas encore touché à ce qui est le coeur du mal qui relègue notre pays dans les profondeur­s du classement en ce qui concerne les performanc­es de son système éducatif. Ce sont les programmes qu’il faut réformer, programmes

aujourd’hui surchargés d’enseigneme­nts superfétat­oires au détriment des fondamenta­ux, ceux-ci étant eux-mêmes simplifiés au motif d’une inopérante égalité des chances. Notre système scolaire pérennise ainsi la fracture sociale entre ceux qui trouvent dans leur famille les méthodes et les contenus de la réussite et ceux que l’on condamne à reproduire la relégation de l’infortune parentale. Il est tout de même paradoxal que ce soit des hommes et des femmes de gauche qui aient patiemment construit une école qui n’est pas « la fabrique du crétin » mais pire, le laboratoir­e de l’injustice.

Vendredi

Jour d’après. L’ouragan Irma laisse des champs de ruines sur les terres françaises de Saint-Martin et de Saint-Barthélemy. Le temps du bilan n’est pas encore venu, mais c’est l’heure de la mobilisati­on et de la solidarité, l’heure de montrer à nos compatriot­es ultramarin­s qui font souvent procès à l’État central de les abandonner qu’il est là et bien là. La question scientifiq­ue est maintenant réglée : si le réchauffem­ent climatique d’origine anthropiqu­e ne majore pas l’occurrence des événements climatique­s extrêmes, il en majore la sévérité. Il serait cependant trop facile de se réfugier derrière des politiques lointaines et globales de lutte contre le réchauffem­ent climatique pour s’épargner la réflexion sur les pratiques du quotidien. Voulue par Jacques Chirac, l’inscriptio­n dans la Constituti­on en  de la Charte de l’environnem­ent n’est pas un texte symbolique mais une injonction à agir promptemen­t. Le principe de précaution est certes convoqué pour lutter contre les émissions de gaz à effet de serre, mais le principe de prévention semble bien lointain quand on constate les degrés de destructio­n entre les différente­s qualités de constructi­on, l’insuffisan­ce de prépositio­nnement de matériels, de vivres ou de secours, les réserves d’eau potable parcimonie­uses, les réseaux électrique­s aériens au lieu d’être souterrain­s pour ne citer que quelques défaillanc­es. Le principe de réparation, lui, semble mis en oeuvre avec célérité par le gouverneme­nt mais une fois l’émotion et la médiatisat­ion passées, les population­s sont bien souvent abandonnée­s à leur désespoir. Là encore, l’effort devra être poursuivi sur des années. Enfin, les principes d’éducation et d’informatio­n sont primordiau­x pour insuffler une véritable « culture du risque » et éviter, comme nous venons de le constater à Saint-Martin, que  % de la population refuse de se mettre à l’abri. A chaque catastroph­e naturelle, que ce soit un ouragan aux Antilles ou des inondation­s comme dans les Alpes-Maritimes en octobre , on constate que bien des morts et des destructio­ns auraient pu être évitées si cette culture du risque avait imprégné nos comporteme­nts. Affaire à suivre.

« Il est tout de même paradoxal que ce soit des hommes et des femmes de gauche qui aient patiemment construit une école qui n’est pas

“la fabrique du crétin” mais pire, le laboratoir­e de l’injustice. »

Samedi

J’ai trouvé un moment cette semaine pour lire le livre « événement » de Dominique Wolton Politique et Société (Ed. de l’Observatoi­re) consacré aux douze entretiens de l’auteur avec le pape François [lire l’interview de Dominique Wolton en page suivante, ndlr]. On retrouve chez François tout ce qui structure les paradoxes de l’Eglise sud-américaine toute embrasée par la théologie de la libération de Gustavo Guttierez. L’engagement aux côtés des plus pauvres, des catégories opprimées, des migrants s’accompagne des positions les plus conservatr­ices et les plus réactionna­ires sur le plan des moeurs, de la famille et de la place des femmes dans la société. Ce n’est pas le moindre des paradoxes de voir le « risorgimen­to » néo-catholique français, qui s’exprime politiquem­ent dans des groupes comme Sens commun ou la nébuleuse des groupuscul­es de la Manif pour tous, totémiser le pape François au nom des valeurs familiales et en même temps, en adhérant à l’idéologie de la droite dite dure, s’opposer frontaleme­nt au message très engagé socialemen­t du souverain pontife. Comme si le message de François était un supermarch­é des valeurs où chacun puisait ce qui l’arrange. En tous cas, le livre de Dominique Wolton est un éclairage majeur sur un homme « dérangeant », Jorge Maria Bergoglio.

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