Var-Matin (Grand Toulon)

RÉGINE MEUNIER

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Le 27 septembre 1748, Louis XV supprime le Corps des galères de France, installé depuis 1665 dans l’arsenal à Marseille, situé sur l’actuel quai RiveNeuve, non loin du débouché de la Canebière sur le Vieux-Port. Il met désormais ses navires comme ses hommes au service à la Marine royale. En effet, les caisses du Corps des galères de France sont vides. Les coûteux apparats que son prédécesse­ur, Louis XIV, imposait déjà à ces navires pour montrer toute la puissance de la France, n’y sont pas étrangers. Le lieutenant général des galères a même dû vendre l’argenterie pour couvrir les dépenses. Pourtant, la main d’oeuvre gratuite ne manque pas depuis qu’en 1685, l’État a encouragé les condamnati­ons aux galères plutôt que la mort ou l’emprisonne­ment. Les galériens sont des condamnés à temps ou à perpétuité, cantonnés dans l’enceinte de l’arsenal qui fait office de bagne. Les bagnards qui purgent les plus lourdes peines sont enchaînés 24 h sur 24, à bord des galères, même lorsqu’elles sont désarmées en hiver. « Ils y mangent, ils y dorment, ils y caguent. C’est ce que disent à l’époque les Provençaux », rappelle Gilbert Buti, professeur émérite d’histoire à l’université d’Aix-Marseille et vice-président de l’Académie du Var (1). Les autres jouissent d’une semi liberté. Quand ils ne rament pas, certains travaillen­t dans l’arsenal et en ville aux tâches les plus pénibles. D’autres tiennent de petites boutiques faites de quatre planches sur les quais du port, non loin de l’ombrière de l’architecte britanniqu­e Norman Foster, inaugurée en 2013. Ils sont cordonnier, perruquier, graveur, horloger, savetier… D’autres encore sont employés comme garde d’enfants dans les familles bourgeoise­s et ceux qui savent lire et écrire, en deviennent parfois les précepteur­s.

À Toulon, la vie des bagnards empire

Pour la plupart, le bagne y est moins dur que ce qui les attend, un an plus tard, à Toulon. Car le 2 août 1749, le secrétaire d’État de la Marine impose le transfert des galères à Toulon. Ces navires de guerre sont surtout faits pour l’abordage de navires bas sur l’eau. Avec leur couleuvrin­e, ce petit canon de proue, ils ne font plus le poids face aux grands et hauts vaisseaux à voile, armés de cinquante canons. Ces nouveaux « goliath » des mers, signent la fin des galères mais pas du bagne. Malgré les protestati­ons de prostituée­s qui y voient une perte de clientèle et surtout d’artisans de Marseille qui profitent d’une main d’oeuvre gratuite ou bon marché, Louis XV n’en démord pas. Trois mille galériens partent donc pour Toulon, les autres pour Brest et Rochefort. Ils sont désormais employés à des travaux de force dans l’arsenal qu’ils ne doivent pas quitter. Ils sont enchaînés en permanence, souvent par deux, dorment dans leurs navires qui ont été démâtés, privés de rames, couverts d’une bâche et transformé­s en dortoirs-prison. Le bagne de Toulon ferme en 1873, lorsque ceux de Cayenne et Nouvelle-Calédonie ouvrent. De celui de Marseille, il ne reste rien si ce n’est de grands bâtiments de l’arsenal. Après avoir vu les bagnards, prisonnier­s des galères, tricoter des bas de coton pour gagner quelques sous, ils ont regardé tout récemment, les moucharabi­ehs pousser comme du lierre autour du Mucem, le musée des civilisati­ons de l’Europe et de la Méditerran­ée. 1. Gilbert Buti a contribué à un ouvrage collectif intitulé

qui vient de paraître aux éditions Riveneuve à Paris.

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