Var-Matin (Grand Toulon)

« Ce soir, c’est ma rentrée des classes! »

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« Goûtez-moi le rouge: intéressan­t… » Le sommelier tend le verre à Nicolas Contenseau, qui le porte à son nez. Il hume. Goûte. Apprécie. « C’est joli en bouche, hein? »

Son vis-à-vis acquiesce: «C’est plaisant. Très plaisant! »

Menton, quartier du Careï, Intermarch­é de l’avenue Saint-Roman. Il est bientôt 21 heures ce mardi, « l’hyper » vient de siffler le coup d’envoi de sa foire aux vins. Dès la tombée du jour, Nicolas Contenseau, Monégasque de 44 ans, était dans les startingbl­ocks à l’entrée, parmi une quarantain­e d’aficionado­s piaffant d’impatience.

« On est comme des gosses dans un magasin de jouets, avec l’envie de tout acheter,

s’esclaffe Nicolas. Ce soir, c’est ma rentrée des classes! »

Nicolas n’est pas venu seul. Laurent, Joseph, Giuliano et Alexandre l’accompagne­nt dans cette joyeuse virée nocturne. Ils sont membres de la confrérie des chevaliers de tastevin de Monaco, que préside Nicolas. À l’apéro, la bande de copains s’est échauffée le gosier à la bière : « C’est recommandé… »

« Petites pépites »

À vos marques, prêts: trinquez! Sans attendre l’heure de lancement officiel, les plus prévoyants s’engouffren­t dans les allées bordées de bouteilles, verre accroché autour du cou à l’aide d’une cordelette. En quelques instants, les premières caisses de grands crus sont vides… « Certains vins partent tout de suite, malheureus­ement, constate Nicolas. Ici, c’est l’un des endroits les mieux achalandés, avec les tarifs les plus bas. On vient y trouver de petites pépites, sachant qu’on n’y trouve pas les mêmes produits qu’à Auchan ou Carrefour.» Pas de jaloux pour autant. Nicolas a coché dans son agenda les dates des prochains rendez-vous: «Lundi ce sera Carrefour à Monaco, mardi Petit Casino sur le

port… » Mais le Monégasque nourrit une affection particuliè­re pour la soirée inaugurale de « l’Inter », ses fidèles, ses dégustatio­ns, son esprit

bonne franquette. « Acheter pour acheter, c’est une chose. Mais si on peut goûter, c’est plus sympa! Moi je veux toucher le produit. » Dix ans que ça dure. Et toujours le même engouement, se réjouit le directeur Philippe

Rigoli. «Au début, personne n’y croyait vraiment. Il y avait soixante personnes à la soirée. Aujourd’hui, on en a trois cents. Des Mentonnais, des Roquebruno­is, des Monégasque­s et même des Italiens. On constate une montée en gamme, un élan vers les grands crus. C’est aussi l’occasion de découvrir des vins que l’on ne connaît pas. » À l’instar de ce joli Graves

blanc qui émoustille le palais de Nicolas. «On a le prix de la bouteille? » « Pour vous, c’est

19,50 € !» , sourit le sommelier. Une gorgée et voilà que Nicolas tombe nez à nez avec la star du soir, Jean-Pierre Rous, ex-sommelier d’Alain Ducasse. Nicolas donne du « tu » à David, l’élégant sommelier du patron. Il apprécie « les rencontres, les conseils ».

« Se faire plaisir »

Il salue aussi Jean-Pascal Navarro, caviste à Monaco, de passage en curieux. Son credo, à lui, tient plutôt dans

les petites production­s. «Ily a une âme que l’on ne trouve pas dans les vins de supermarch­é. Cela étant, il y a de très bons vins ici. Et on peut se faire vraiment plaisir à des prix très doux! » Ce soir, Nicolas s’est fixé une fourchette: entre 400 et 600 €. Il a déjà mis de côté un château Yquem (Sauternes) 2008 « qui a cinquante ans de garde ». 190 €, « moins la remise de 20 % en caisse ».

Le millésime, c’est la clé, insiste-t-il. « Mais il arrive de se tromper… »

Voilà pourquoi, aussi, Nicolas invite à venir aux soirées d’ouverture. À solliciter les sommeliers. À s’aventurer, fort de leurs conseils, sur d’autres terres que le Bordelais, telles la Loire ou la Bourgogne. Voilà comment Nicolas s’est constitué une cave de trois mille bouteilles. De temps à autre, les membres de son épicurienn­e confrérie se réuniront autour d’un dîner thématique, avec une sélection de Petrus, Ausone, Margaux, Mouton et Cheval Blanc… Connaisseu­rs. À l’Intermarch­é de Menton, ce soir-là, «grands et petits amateurs de vin» auront passé en caisse plus de trois mille bouteilles, justement. Mais pour Philippe Rigoli, le succès ne se quantifie pas qu’à l’aune du chiffre d’affaires. « C’est aussi un moment de conviviali­té qui donne de nous une image différente: ça humanise le supermarch­é. »

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Nicolas et Giuliano, habitués des foires, découvrent un petit Graves avec délice.

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