Var-Matin (Grand Toulon)

Les routiers varois feront-ils grève aujourd’hui ?

Les syndicats CGT et FO des transporte­urs appellent les routiers à la grève aujourd’hui. Le mouvement sera-t-il suivi ? Pas sûr. Reportage dans deux restaurant­s routiers sur la RN 7

- P.-L. PAGÈS plpages@varmatin.com

En 25 ans de métier, Stéphane, chauffeur routier chez Billaud, une petite entreprise spécialisé­e dans le transport du bois, n’a jamais fait la grève. Et ce n’est visiblemen­t pas aujourd’hui que ça commencera. Rencontré jeudi soir avec son collègue Rémy au restaurant Les Quatre vents, un relais routier situé sur le bord de la RN 7 au Cannet-des-Maures, Stéphane ne croit d’ailleurs pas à une forte mobilisati­on de la profession ce 25 septembre. Et pour cause. «Sur Radio Chauffeurs, autrement dit le soir dans les salles de restaurant, personne ne parle de ça aux tables voisines », affirme-t-il. Comment expliquer ce désintérêt ? « Même si je ne me suis pas vraiment penché sur la réforme du Code du travail, je ne pense pas qu’on soit trop impacté. Pour ma part, je n’ai pas à me plaindre des conditions de travail », confie Stéphane.

Inquiétude pour les temps de pause

Avant d’admettre : « Sauf pour l’entrée en vigueur du permis à points en 1992, il n’y a jamais eu trop de solidarité entre routiers. Il y a trop de petits patrons ». Un peu plus loin sur la RN 7, au restaurant Le Mistral, Dominique, 25 ans de métier, lui donne raison. Lui non plus ne fera pas la grève aujourd’hui. Il ne peut pas se le permettre. « Je travaille pour une petite entreprise de 6 chauffeurs. Si on bloque les 6 camions, l’argent ne rentre pas dans la boîte, et donc pas dans ma poche », se défend-il. « Pas syndiqué, mais concerné », Dominique ne redoute pas tant une baisse de la paie. « Il y a pénurie de chauffeurs routiers à l’heure actuelle. Alors les patrons ne sont pas idiots : ils ne vont pas s’amuser à rogner nos salaires ». Non, ce qui l’inquiète davantage en revanche, ce sont les pauses. « On est déjà au maximum des amplitudes de conduite journalièr­es. Il ne faudrait pas qu’on nous en demande plus en réduisant les temps de repos. En terme de sécurité, ce ne serait pas bon pour nous », explique-t-il. À la table voisine, Philippe, plus de 20 ans de route, ne gonflera pas les rangs des grévistes. Mais plus par principe. « Tout le monde est d’accord pour dire qu’il faut faire des réformes, mais dès que quelqu’un s’y atèle, ça rouspète. J’ai voté Macron, certes plus par défaut que par conviction. Il avait annoncé qu’il ferait des réformes. Il les fait. Ceux qui n’ont été aux urnes et qui manifesten­t aujourd’hui n’avaient qu’à aller voter ». Romain, 13 ans « à peine » de métier, est sensibleme­nt sur la même longueur d’onde. « Je doute qu’au second tour de la présidenti­elle, les responsabl­es syndicaux aient voté pour Marine Le Pen. En votant Macron, on savait ce qui nous pendait au nez. On ne peut pas voter pour quelqu’un et faire la grève six mois après. Y a plus qu’à subir », insiste le routier.

Quelle utilisatio­n des réformes ?

Convaincu que des réformes du Code du travail sont nécessaire­s, Romain s’inquiète de la façon dont elles pourraient être utilisées. Et de pointer du doigt les patrons des grands groupes. « Dans les petites et moyennes entreprise­s de transport, il y a plein de patrons honnêtes. Des personnes qui savent de quoi elles parlent et ne sont pas là pour exploiter leur personnel. Dans les grands groupes, c’est autre chose. On parle de faciliter les licencieme­nts. Pourquoi pas, si cette souplesse facilite aussi l’embauche. En revanche, si c’est utilisé pour virer les chauffeurs dont les primes d’ancienneté coûtent trop cher, je ne suis pas d’accord. » Une question de confiance en quelque sorte.

 ?? (Photo Hélène Dos Santos) ?? Pour Rémy et Stéphane, jeudi soir, au comptoir du relais routier Les Quatre vents, pas question de faire grève lundi.
(Photo Hélène Dos Santos) Pour Rémy et Stéphane, jeudi soir, au comptoir du relais routier Les Quatre vents, pas question de faire grève lundi.

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