Albert Dupontel se démasque
Il a forcément vanné son public rencontré après la projection de son nouveau film Au revoir làhaut, au Pathé Liberté à Toulon. Albert Dupontel gagne de la hauteur en passant à l’adaptation
C omme il l’a dit lui-même, vendredi soir, Albert Dupontel a délaissé (momentanément) le genre « comico-névrotique » qui a fait tout le génie et la folie de ses précédents films pour s’attaquer à la Grande Histoire. Et après le succès remporté par 9
mois ferme (1), c’est à un pavé de 600 pages autour de la Première Guerre mondiale qu’il s’est attaqué : Au revoir là-haut, roman de Pierre Lemaitre, prix Goncourt 2013. Une première adaptation pour l’ex-humoriste, qui l’est resté dans la vie, comme a pu le constater le public du Pathé Liberté à Toulon, après la projection de son film en avant-première. Albert Dupontel s’était déclaré prêt à recevoir «les questions, remarques, critiques, voire insultes ». C’est gêné qu’il a eu les remerciements du genre : «Quand le cinéma
français peine à être bon et original, vous venez de démontrer
le contraire ».« C’est mon petit frère », lançait-il à la salle, après chaque compliment. L’acteur et réalisateur, qui a fait l’actualité, il y a quelques jours, à propos d’un loyer particulièrement avantageux dont bénéficiait sa maison de production pour occuper d’un hôtel particulier à Paris , -il s’en est expliqué depuis et va le quitter-, n’a pas souhaité rencontrer la presse.
Portrait d’artiste
Mais il ne s’est pas montré avare avec son public, débitant l’aventure du film au rythme de mitraillette qu’on lui connaît. C’est à peu près à ce rythme que le spectateur se trouve plongé dans les bombardements des tranchées dès les premières scènes du film.
Au revoir là-haut est l’histoire d’amitié forte entre deux ex-poilus Albert Maillard (interprété par luimême) et Edouard Péricourt, qui montent ensemble une vaste escroquerie après guerre. Albert Dupontel en fait un portrait d’artiste (Edouard gueule cassée qui se réfugie derrière des masques, interprété par Nahuel Perez Biscayard) empli de cette poésie qui colle à tous ses héros. Le co-scénariste y instille une multitude de ses références : Marcel Duchamp, Picasso, le dessinateur Egon Schiele, ou encore Brassaï, dont il reconstitue les photos dans ses décors du Paris des années 1920, mais aussi Buster Keaton, Chaplin et Marlon Brando. Une atmosphère particulière avec un univers propre, à la Amélie Poulain (l’affiche est du même auteur). Là, où on retrouve comme avant un Dupontel engagé, c’est dans la critique de cette sale guerre. «Maillard et Edouard sont balottés dans une époque cruelle, démente et délirante. Des Edouard, des Albert, il y en a partout aujourd’hui, l’époque est de plus en plus folle. La Première Guerre mondiale, c’est le début d’un suicide humain. Il n’y a rien qui explique cette guerre, qui explique pourquoi l’Europe, qui à l’époque va bien, s’entre-tue comme ça. Il n’y a rien, si ce n’est des montées sociales partout et les dominants qui sont prêts à faire des guerres pour contrer ces montées sociales, et c’est ça qui est choquant », lancera-t-il au public avant de partir. On pourra juste regretter une happy end improbable qui change du livre. Une fin commerciale pour un Albert Dupontel un peu moins vilain ? Pas si sûr.