Merkel réélue, l’extrême droite fait une véritable percée
Avec environ 90 sièges de députés pour l’Alternative für Deutschland (AfD), l’extrême droite est de retour au Parlement allemand, une première depuis 1945. Plus bas historique pour la CDU et le SPD
On les avait croyait jouées d’avance. Sans surprise. Même le retour probable de l’extrême droite au Bundestag (le Parlement allemand) semblait ne pas pouvoir ternir la victoire annoncée d’Angela Merkel, synonyme d’un quatrième mandat d’affilée, rien de moins, pour la femme la plus puissante du monde. Hier soir, c’est pourtant bien une onde de choc politique qui secouait le pays. Car si, comme attendu, l’inoxydable chancelière et les conservateurs allemands ont remporté le scrutin, il s’agit d’une victoire à la Pyrrhus: confronté à un succès historique, plus fort que prévu, de la droite nationaliste, ils sont de surcroît affaiblis par la difficulté de trouver des partenaires pour gouverner.
Le SPD refuse de s’allier à la CDU
D’après les chiffres disponibles hier peu avant 22 heures, la CDU-CSU de la chancelière fait, avec 32,9% des voix, «son plus mauvais score depuis 1949» et la naissance de la République fédérale, souligne le quotidien populaire Bild. Les sociaux-démocrates du SPD ne sont pas mieux lotis, qui avec 20,8% «ont obtenu leur plus mauvais résultat de tous les temps». Résultat: avec 13%, les nationalistes et populistes de l’Alternative pour l’Allemagne (AfD) s’imposent comme la troisième force politique du pays. Angela Merkel a aussitôt reconnu qu’elle avait espéré «un meilleur résultat» et a qualifié l’entrée de l’AfD au parlement de «nouveau défi». Il lui reviendra, une fois de plus, de chercher des partenaires pour former le prochain gouvernement. Mais cette quête de majorité a été compliquée dès hier soir par le SPD qui, en pleine crise existentielle, a décidé de se ressourcer dans l’opposition après quatre ans comme partenaires de gouvernement. Un véritable désaveu pour Martin Schulz, tête de liste du SPD, qui avait entamé sa campagne au plus haut, avant de chuter lentement mais inexorablement. Grand perdant du scrutin d’hier, il a regretté une «journée difficile et amère pour la social-démocratie». La répartition des 600 à 700 sièges de députés doit encore s’affiner en raison de la complexité du mode de scrutin allemand Mais une chose est sûre: la seule majorité que peut espérer Angela Merkel passe par une alliance avec les libéraux du FDP et les Verts. Problème: ces deux partis s’opposent sur bien des dossiers, comme l’immigration ou le diesel, et ont aussi des désaccords de fond avec les conservateurs. Les négociations, qui s’annoncent très compliquées, pourraient prendre des mois.
L’AfD deuxième en ex-Allemagne de l’Est
Des difficultés qui contrastent d’autant plus cruellement avec le très bon résultat de l’Alternative pour l’Allemagne (AfD). Alors que cette formation avait échoué aux portes du Bundestag en 2013, elle devance désormais la gauche radicale Die Linke, les libéraux du FDP et les Verts, tous aux alentours de 9-10%. Et dans les régions de l’ex-Allemagne de l’Est, les nationalistes s’imposent même à la deuxième place avec 22,8% des voix, derrière les 28,6% de la CDU. Elle fait ainsi une entrée en force à la chambre des députés, une première depuis 1945 pour un parti qui tient des discours anti-immigrants, antiislam, anti-euro et révisionnistes de l’histoire. Le mouvement a fait campagne en tirant à boulets rouges sur Angela Merkel, accusée de «trahison» pour avoir ouvert le pays en 2015 à des centaines de milliers de demandeurs d’asile majoritairement musulmans – que l’AfD qualifie régulièrement de terroristes ou de criminels en puissance. Cette percée historique de l’extrême droite constitue un choc profond pour un pays dont l’identité d’après-guerre repose sur la lutte contre les extrêmes et la repentance pour les crimes du IIIe Reich. «Nous allons changer ce pays [...]. Nous allons faire la chasse à Madame Merkel. Nous allons récupérer notre pays» ,ajubilé Alexander Gauland, cotête de liste de l’AfD qui a récemment appelé à être «fier» des soldats allemands de 1939-1945. En réaction, des manifestations spontanées anti-AfD se sont organisées hier dans plusieurs villes allemandes. La communauté juive a de son côté dénoncé le programme «infâme» de l’AfD, qui veut mettre fin à la repentance allemande pour les crimes nazis. «Les fantômes du passé reviennent», s’inquiète de son côté l’hebdomadaire de référence Der Spiegel.