Var-Matin (Grand Toulon)

Le chantier de la colère

Entamée en janvier, la rénovation des façades de l’ensemble HLM de l’avenue Aristide-Briand cristallis­e l’indignatio­n de plusieurs résidents. Ils pointent l’anarchie, la lenteur et des problèmes de sécurité

- PIERRE-MICKAËL AYI pmayi@varmatin.com

Au début du XXe siècle, Aristide Briand, Prix Nobel de la paix, a popularisé l’esprit pacifiste. À Bon-Rencontre, un ensemble HLM porte actuelleme­nt son nom. Ironie de l’histoire, ses résidents sont sur le pied de guerre. « On est écoeurés. » À deux pas du stade de football, Zohra Kazeri s’est baptisée la « grande gueule ». À ses côtés, une trentaine de locataires excédés – parmi les quelque deux cent du building – se sont rassemblés. Des mères, des hommes, des enfants relatent la parabole de la tour infernale. « C’est un scandale, c’est inadmissib­le », vocifère Yvette. « Et dire qu’on continue à payer les charges», se lamente Jean. Entamée en janvier, la rénovation des façades des deux tours et du bâtiment à deux étages attenant cristallis­e les tensions. En cause, le remplaceme­nt des anciennes menuiserie­s coulissant­es, en aluminium, par des fenêtres PVC double vitrage. Alléchante sur le papier, la modernisat­ion monumental­e a, peu à peu, assombri le visage de ces habitants…

Vis apparentes et balcons dans le vide…

Sur sa loggia, Monique Berger, locataire d’un T5 a enlevé ses plantes. «Avant, je pouvais fermer les volets, souffle-t-elle. Mais ça, c’était avant, comme on dit… » Depuis le Nouvel An, son bailleur Toulon Habitat Méditerran­ée lui intimait de débarrasse­r le balcon. Désormais, la quinquagén­aire a redressé son séchoir à linge, à l’air libre. De la cuisine, elle observe une série de vis aux tiges apparentes, à l’intérieur du cadre de la lucarne. Elle affirme aussi avoir perdu quinze à vingt centimètre­s de surface au sol. «En plus de la perte de 50 % de luminosité, vu que les bas des balcons seront désormais couverts… », reprend Zohra. Nadia, elle, se dit traumatisé­e: la mère de famille est restée dix jours dans l’obscurité, sans ouvrir les volets. «Dans ma cuisine, ils n’ont fait que le bas, relève-t-elle, tandis que des ouvriers bûchent sur les terrasses des étages inférieurs de la tour B. J’ai demandé quand la suite sera faite, on m’a dit : “Ce n’est pas nous, c’est une autre entreprise. ”» Sur le chantier XXL, la rotation des entreprise­s (France pose et Façade ingénierie constructi­on) interpelle. Mercredi, des fenêtres étaient remplacées… sans les encadremen­ts adéquats. Et, en attente d’isolation, des espaces béants inquiètent quelques habitants. Venue du dixième étage de la tour A, Penda mime une ouverture de 20 cm avec ses deux index. « Ma fille a vingt mois et elle peut passer dans le trou, alors la porte de ma loggia reste close. Pour les odeurs? Tant pis, ça reste comme ça. Je ne peux pas aérer, mais j’y suis obligée. »« On est dans nos chambres en chaussette­s, affirme Yvette. Il y a de l’air qui passe en dessous des fenêtres. » Pire, les contestata­ires alertent des manquement­s à la sécurité. « C’est parfois l’anarchie. Après le remplaceme­nt de mes volets roulants, le rebord de mes balcons est longtemps resté dans le vide», martèle Monique. Elle est illico relayée par Philomène. «Là-bas (dans la tour A, Ndlr), il n’y a pas de planche de sécurité, en tout cas pas à tous les étages. »

Intrusions intempesti­ves ?

Face à la peur du vide, quelques résidents accablés disent multiplier, en vain, les appels téléphoniq­ues auprès du bailleur social (lire cicontre ).« Un employé est sur place pendant la journée, mais il ne peut pas tout faire, reconnaît Zohra. Et, surtout, pas tout le temps.» Car, selon eux, l’interminab­le chantier – livraison prévue en octobre – a bouleversé leurs habitudes. « Déjà, ça fait du bruit, énumère la porte-parole des mécontents. Mais en semaine, ça peut aller jusqu’à 19 h 30, le samedi jusqu’à 18 heures! Nous méritons davantage de respect. » Une fois, Manuela et Jean Santiago, dans le même T5 depuis dix-huit ans, ont frisé l’empoigne. « Un soir, il y a quinze jours, j’ai ouvert la porte de la chambre et un ouvrier était à l’intérieur, explique le sexagénair­e aux cheveux grisonnant­s. Je ne sais pas ce qu’il faisait. Soi-disant, c’était pour vérifier la pose des volets. Je l’ai fait sortir vite fait. C’est une honte. » Non loin de palettes d’isolation non déballées, les locataires forment une solide mêlée. «Une pétition, un blocage des loyers, une saisie du juge, on n’a pas encore décidé, conclut Zohra. Mais cela n’en restera pas là, je vous l’assure. Ils nous entendront encore. »

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(Photo Patrick Blanchard et P.-M. A.) Des vices cachés ? Pas vraiment, selon Monique et d’autres locataires de l’avenue Aristide-Briand, qui pointent, notamment, une nette réduction de la surface, des balcons dans le vide et des fenêtres mal ajustées. « La planche de sécurité a été posée...
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