La dame des lacs relève le défi « Water stories »
Nelly Kars vient d’accomplir une première sportive en réalisant 100 km de nage autonome en 10 jours dans les lacs de la région. Son but : sensibiliser le public sur la protection de l’eau
Cent kilomètres de nage autonome en dix jours. C’est le challenge que vient d’accomplir Nelly Kars, accompagnatrice en montagne et responsable de la section eau des Marcheurs de la Terre (1). Sans aucune assistance rapprochée, la jeune femme, âgée de 32 ans, a parcouru les lacs de Serre-Ponçon, Castillon, Chaudanne, Sainte-Croix, Montpezat, Quinson, Esparron, Saint-Cassien et les moyennes et basses gorges du Verdon. « La protection de l’eau, au même titre que l’air, est une nécessité vitale », indique l’athlète qui entend sensibiliser l’opinion publique. Rencontre avec la Bas-Alpine, surnommée « La dame des lacs », qui, au travers du projet Water Stories, réalise une piqûre de rappel écocitoyenne doublée d’une aventure sportive hors norme.
Quelles circonstances vous ont fait rejoindre les Marcheurs de la Terre? Un concours de circonstance de la vie. Je me suis installée en Haute-Bléone il y a quelques années c’est là que j’ai rencontré Bruno Lambert, le créateur du programme environnemental les Marcheurs de la Terre. À l’époque il était mon maître de stage. Le chemin faisant, on s’est aperçu qu’on avait un même fond pour l’aventure. Lui avait de l’expérience. Moi tout à apprendre.
En quoi consiste le projet Water Stories ? Il s’agit d’un exploit sportif destiné à attirer l’attention du public sur l’eau et changer notre manière de penser. Le challenge consiste ici à nager km sur les lacs et les gorges ennoyées de région Paca et produire un film de minutes qui s’intitule « La dame des lacs ». Il est actuellement en cours de tournage. Ce film servira de volet principal sur le projet éducatif Heaux. Pour résumer Water stories c’est un challenge, un film et un projet éducatif.
Afin de susciter la curiosité du public… On part du principe que l’on ne protège que ce qu’on peut aimer. Il faut donc attirer le regard de manière à ce que les individus puissent mieux aimer cet élément et le comprendre. Pour, au final, mieux le protéger. Cette mécanique est très simple. Comme on aime ses enfants, on essaye de mieux les protéger. L’eau est un enjeu majeur.
C’est une première sportive inédite dans la région ? Même mondiale puisque personne n’a essayé de traverser à la nage tous les grands lacs de la région Paca. On totalise km de nage réalisés en autonomie. Je tracte une bouée, avec kg, qui me permet d’être autonome toute la journée. Je nage habillée d’une combinaison néoprène étanche et très épaisse ( millimètres) et de grandes palmes. C’est un vieux rêve que j’accomplis aujourd’hui. Je l’ai en tête depuis bien plus de ans. Je voulais transmettre mon amour pour cet élément et la connaissance de l’environnement sous marin. Initialement le rêve c’était de faire à la nage le tour de la Nouvelle-Calédonie (où je vivais auparavant). Soit km de tour de cote. Il y en aurait eu pour mois de nage, le rêve a donc été légèrement modifié. Au contact de Bruno Lambert créateur du programme d’éducation environnementale Les marcheurs de la Terre - il a été reconstruit à la mesure de ce que l’on pouvait faire dans la région. L’eau douce est assez ignorée dans la discipline natation. On nage dans les piscines, en mer mais les lacs sont peu considérés sauf pour de la plongée spectaculaire.
Une aventure hors norme. Comment vous êtes-vous préparée ? Water Stories a nécessité plus de deux ans de préparation avec de la course à pied, du vélo, de la musculation. Dont une année vraiment intensive. Je suis éducateur sportif et ça aide énormément. J’ai la connaissance et la compréhension du corps humain. Bruno Lambert m’accompagne comme coach, notamment pour la préparation mentale. Je me suis préparée uniquement en nageant en lac, notamment dans celui de Sainte-Croix. Cela m’a permis de m’entraîner dans les mêmes conditions que le challenge. Il n’y avait donc plus vraiment d’inconnue le jour « J ». Je suis rarement montée au-delà de la moitié de mes capacités. L’idée n’est pas de battre un record de vitesse, mais de mener le projet à bien.
Un parcours d’autant plus complexe qu’il est mené sur sites différents. Quelles sont les principales difficultés? Le lac de Sainte-Croix est vraiment difficile. En linéaire, il y avait km prévus j’ai dû en faire pour éviter une régate, soit un très large détour. Avec des conditions météorologiques peu favorables en raison du Mistral, j’en suis ressortie épuisée. Là, j’étais plus du tout à la moitié de mes capacités, je suis allée brûler dans mes réserves. L’eau est froide, avec notamment en aval du barrage de Sainte-Croix l’étape de Saint-Laurent qui a été difficile en raison d’un lâcher du barrage. L’eau a perdu degrés… Enfin, la présence des chasseurs. De peur de trop m’approcher d’une battue j’ai dû faire des détours. Cela a posé aussi des difficultés au niveau du tournage. La moitié de l’épreuve s’est déroulée sur des territoires de chasse.
Une épreuve très physique… J’ai commencé à attaquer ma perte de poids au huitième jour. Je pense que trois kilos sont partis… En revanche, la solitude me plaît beaucoup. L’ambiance qui pourrait faire peur à certains me transporte.
Ce défi se concrétise par le tournage d’un documentaire de minutes. Quel est son contenu ? Il s’intitulera « La dame des lacs », c’est le surnom qu’on m’a donné. Je serai le fil conducteur de ce documentaire à travers cette aventure dans la nage. Il y aura les étapes que j’ai parcourues avec le contexte géographique, naturaliste et mon état d’esprit. Le film évoque l’eau à travers les différents lacs afin de mettre en valeur le patrimoine naturel et humain. Des techniciens d’EDF, géologues, des éco-gardes du parc du Verdon, pêcheurs s’exprimeront et livreront leurs solutions pour protéger l’eau.
Sur quel support pourra-t-on le visionner ? Il y a actuellement un projet participatif sur la plateforme Ulule, où l’on peut faire des téléchargements uniques. C’est pour la première version, celle basique. Puis, la définitive sera disponible sous forme de DVD. C’est aussi un film destiné à passer à la télévision en fonction des accords que l’on pourra obtenir, pour conserver nos droits d’auteurs tout simplement. Il s’agit d’un véritable chemin de croix et on y va avec beaucoup de modestie.
À qui s’adresse le projet pédagogique Heaux ? C’est un projet destiné autant aux enfants qu’aux adultes. Il est multisupports, avec une exposition itinérante, des flashcodes pour visionner des clips sur la chaîne Youtube, des jeux. Bien entendu, le support principal sera le film. Des interventions auront lieu dans les écoles.
Les Marcheurs de la Terre cherchent des fonds pour boucler ce projet ? Absolument. On est loin d’avoir bouclé le budget initial, on recherche des partenaires notamment pour Heaux.
Un second projet intitulé Posidonia est déjà envisagé. De quoi s’agit-il ? Bruno Lambert et Les marcheurs de la Terre prévoient km de nage et kayak sur la côte méditerranéenne pour sensibiliser le public sur l’état et le devenir de la Méditerranée, une mer polluée et en danger. Le nom Posidonia vient de la posidonie, ces plantes à fleurs monocotylédones sous-marines qui sont menacées par d’autres espèces invasives. On s’en sert de mascotte pour ouvrir les yeux sur tous ces problèmes invasifs en lien avec nos comportements quotidiens. Posidonia serait l’équivalent de Water stories, version multipliée par facilement.
Un message à faire passer ? Il serait à vocation assez humaniste. Je pense qu’on peut tous réaliser nos rêves, il faut s’en donner les moyens. Parfois les démontrer pour les reconstruire et leur donner une vocation utile pour le reste de l’humanité et de la planète.