Var-Matin (Grand Toulon)

Merkel saison 

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« Le blocage ce n’est pas une méthode, la bonne méthode, c’est le dialogue », a déclaré sur BFM TV la ministre des Transports Elisabeth Borne en invitant les syndicats des transports routiers et les organisati­ons patronales à une réunion jeudi à son ministère. Il s’agira notamment de discuter des moyens de lutter contre « le dumping social et la concurrenc­e déloyale » alors que la directive européenne sur le détachemen­t est en cours de révision, a-t-elle dit. « Les routiers n’ont pas de raison de s’inquiéter des ordonnance­s Travail, qui ne modifient pas leur temps de travail (...) pas leur rémunérati­on », a-t-elle répété. « Le gouverneme­nt choisit la matraque plutôt que le dialogue », avait dit un peu plus tôt sur RTL le numéro un de la CGT-Transports, Jérôme Vérité. Selon lui, les forces de l’ordre « onteu comme consigne très clairement de lever un certain nombre de blocages ». Le porte-parole a dénoncé une situation « d’atteinte au droit de grève » inédite « depuis 2002 », tandis que le secrétaire national du PCF Pierre Laurent fustigeait une « répression anti-syndicale ».

« Onnelâcher­ien! »

« Intimidati­ons, menace sur les permis, camions grues »... « rien n’a été épargné aux grévistes » mais « onne lâche rien ! », préviennen­t les fédération­s CGT et FO, dans un communiqué appelant à reconduire comme prévu le mouvement aujourd’hui. En début de matinée, les organisate­urs avaient recensé au plus fort « plus de 40 points » d’actions (barrages, blocages, opérations escargot...) sur l’ensemble du territoire, pour tomber à une dizaine à la mi-journée.

Les forces de police très présentes

Le coup d’envoi avait été donné dans la nuit par une trentaine de grévistes qui ont bloqué à l’aube le trafic des poids-lourds sur une autoroute du Nord, tout près de la Belgique. Des opérations-escargot ont ensuite occasionné des ralentisse­ments conséquent­s sur le périphériq­ue de Caen et sur l’autoroute A1, une des plus fréquentée­s d’Europe. Des actions ont aussi eu lieu à proximité d’Arras, Rouen, Bordeaux, La Rochelle, Marseille ou encore Saint-Nazaire. La présence policière a notamment mis en échec des tentatives de blocage à Lorient, Valencienn­es et près de Rennes. Aux abords de la raffinerie de Donges (Loire-Atlantique), près de Saint-Nazaire, les gendarmes étaient « déjà en place » à l’arrivée des grévistes à l’aube, d’après FO. Dans le bras de fer engagé avec le gouverneme­nt, les grévistes ont affiché leur déterminat­ion. « On restera le temps qu’il faut jusqu’à ce que Macron retire ses ordonnance­s purement et simplement », a ainsi déclaré Fabien Dautan, délégué CGTTranspo­rts en Gironde. Opposés à la réforme du droit du travail, les chauffeurs dénoncent la possibilit­é de « faciliter » les licencieme­nts économique­s dans les grands groupes, « l’affaibliss­ement » des représenta­nts du personnel ou encore le plafonneme­nt des indemnités prud’homales. Plus spécifique­ment, ils s’inquiètent de la possibilit­é de négocier dans l’entreprise des éléments de rémunérati­on (13e mois, prime d’ancienneté...), jusque-là fixés par la branche profession­nelle. Par

CLAUDE WEILL

« Albtraum-Sieg » (victoire-cauchemar) : en deux mots, le quotidien Bild a parfaiteme­nt résumé le résultat des élections allemandes. On pourrait dire aussi « Kopfschmer­zen » : casse-tête. Victoire, oui, pour Angela Merkel, l’indétrônab­le « Muttie », qui enchaîne ainsi son quatrième succès consécutif. Et cela constitue un exploit, dans une Europe malmenée par la mondialisa­tion et qui doute d’elle-même. Mais « Merkel saison  » ne sera pas un remake des épisodes précédents. Car avec un score somme toute décevant (un tiers de voix), elle est très loin d’avoir les mains libres. Comme il était prévisible, les sociaux-démocrates ont annoncé qu’ils excluaient de reconduire la « grosse Koalition », stratégie d’alliance qui a remarquabl­ement fonctionné, mais dans laquelle le SPD, réduit au rôle de force d’appoint de la démocratie chrétienne, redoutait de perdre son âme et ses électeurs. Il compte sur une bonne cure d’opposition pour se refaire et échapper au scénario catastroph­e qu’ont connu ses homologues français, espagnol et grec. Ne reste plus pour Merkel qu’à rechercher une alliance de rechange, avec les libéraux du FDP et les verts. Ce qu’on appelle en Allemagne la « coalition Jamaïque » (CDU-FDP-Grünen ou noir-jaunevert). C’est là qu’est le cauchemar. Ou le casse-tête. Car entre le très libéral et fort peu européiste FDP de Christian Lindner et les Verts, il y a à peu près autant de convergenc­es qu’entre, disons, Laurent Wauquiez et Dany Cohn-Bendit. En résumé, ils sont en complet désaccord sur à peu près tous les grands sujets du moment : l’Europe, les migrants, la politique environnem­entale, etc. Bon courage à Madame Merkel pour essayer de tricoter avec ça un programme de gouverneme­nt. L’affaire prendra des semaines, peut-être des mois. En attendant, Emmanuel Macron peut faire le deuil de ses projets de relance de la zone euro. Lindner, qui revendique le portefeuil­le des Finances pour son parti, a en effet fixé une « ligne rouge » : pas d’union bancaire, pas de budget commun, pas question que la vertueuse Allemagne se laisse contaminer par le laxisme budgétaire de ses partenaire­s du sud. De ce point de vue, la demi-victoire d’Angela Merkel est un sérieux revers pour Macron. Et aussi bien pour la Grèce, qui voit s’éloigner tout espoir d’allègement de sa dette. En un sens, et paradoxale­ment, on peut pourtant voir aussi dans ces élections allemandes une sorte de mise aux normes européenne­s. Erosion des grands partis (CDU et SPD ne totalisent qu’un peu plus de % des voix, contre % en ), abrasion du modèle bipolaire, montée aux extrêmes. On est encore loin du dégagisme à la Française. Mais à son tour la prospère Allemagne est atteinte par la vague de populisme et de « chamboulis­me » qui balaie le continent. En l’occurrence, elle porte un nom : Alternativ für Deutschlan­d. Qu’après seulement quatre ans d’existence et autant de crises internes, un parti populiste d’extrême-droite, aux références historique­s parfois douteuses, ait réussi à faire élire  députés, cela constitue une rupture majeure dans un pays qui a bâti sa culture civique, au sortir de la guerre, sur le devoir de mémoire et la repentance collective. La politique migratoire d’Angela Merkel y est évidemment pour beaucoup, qui a renforcé le courant identitair­e et le sentiment d’abandon des couches populaires. Notamment dans l’ex-RDA, où AfD arrive en deuxième position, avec plus de % des voix. Un score qui nous rappelle quelque chose. Les philosophe­s ou les cyniques en concluront qu’au fond, c’est une certaine manière de faire l’Europe : au moment où la France s’inspire de plus en plus clairement du modèle économique allemand, il est piquant que l’électorat allemand se rapproche du modèle politique français.

« De ce point de vue, la demi-victoire d’Angela Merkel est une vraie défaite pour Macron. »

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(Photo Sébastien Botella) (Photo PQR/La Provence) Les routiers bloquaient, hier, l’accès à la raffinerie de La Mède, dans les Bouches-du-Rhône. Hier à Carrefour Antibes, des files d’attente importante­s.
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