Gilles Bourdos: “Je reviendrai! ”
ESPÈCES MENACÉES
De Gilles Bourdos (France). Avec Alice Isaaz, Vincent Rottiers, Grégory Gadebois. Durée : h . Genre : drame. Notre avis : ★★★
Après Renoir, qui lui a valu une sélection à Cannes et un César, le Niçois Gilles Bourdos change de registre avec Espèces Menacées. Un film noir sur la fracture des liens filiaux, entièrement filmé entre Nice et Villeneuve-Loubet. Le réalisateur nous en a parlé à l’occasion de l’avant-première niçoise...
Comment s’est passée la présentation du film à Venise ? Magnifiquement. C’était la première fois que j’allais à la Mostra et les critiques de la presse américaine et italienne ont été très encourageantes. Grâce à Renoir, qui est le film francophone qui a fait le plus d’entrées aux USA depuis dix ans, je bénéficie là-bas d’une bonne cote. Je crois aussi que les critiques ont été sensibles au fait que ce ne soit pas encore un film « parisien ». Ils ont découvert la Côte d’Azur comme ils ne l’avaient jamais vue…
Ce n’est effectivement pas la Riviera de cartes postales que vous filmez… Non, c’est la Côte l’hiver, avec le ciel gris et les plages vides... On a tourné dans des endroits que seuls ceux qui y vivent connaissent : la voie rapide, l’arrière de Marina baie des Anges, les parkings de supermarché, une stationservice… Des lieux qui pouvaient exprimer la solitude et l’angoisse des personnages.
L’influence des frères Dardenne qui sont coproducteurs ? Non, ils ne sont pas intervenus du tout sur le tournage. Ce sont juste des lieux que je connais bien. Si on cherche des influences, ce serait plutôt du côté de Jacques Audiard qu’il faudrait regarder. Dans De rouille et d’os, ilyaun peu la même tonalité…
Comme Audiard, vous adaptez un auteur américain… Oui, je suis très fan des nouvelles de Richard Bausch. J’en ai utilisé plusieurs et avec mon complice antibois, Michel Spinoza, on a cherché à créer des liens entre elles pour que les personnages puissent se croiser. Richard Bausch, qui nous accompagnait à Venise était épaté qu’on ait réussi à les relier et à les situer sur la Côte alors que ses nouvelles se passent en Virginie.
Tourner à Nice, c’était une évidence ? Absolument. Plus le temps passe, plus je me sens attaché à cette ville et à cette région qui m’ont vu naître. J’aime le cinéma de territoires. Les Américains pratiquent ça très bien : Scorsese à New York, Gus Van Sant à Portland, David Lynch à Los Angeles. En France, Guédiguian est très identifié à Marseille. J’aimerais beaucoup l’être à Nice. Cela veut dire que vous reviendrez tourner dans la région? Sans aucun doute. Chaque fois qu’aucune contrainte scénaristique ne l’interdira. C’est un décor fantastique pour un cinéaste. Et mon équipe parisienne qui était descendue avec beaucoup d’a priori négatifs ne demande qu’à revenir ! On a eu un accueil formidable de la part des institutions, mais aussi des habitants…
Comment avez-vous composé votre casting ? J’ai bénéficié d’une grande liberté. La production qui ne m’a imposé aucune contrainte de notoriété. Ainsi, j’ai pu choisir les comédiens que je voulais. Le fait de ne pas avoir de stars à l’affiche permet, je crois, une meilleure identification aux personnages et à l’histoire.
Le film évoque un problème grave : les violences conjugales... Oui et je trouve qu’on n’en parle pas assez. Une femme en meurt tous les deux jours. Imaginez l’émotion que cela susciterait si cela touchait n’importe quelle minorité ethnique ou confessionnelle ! Cela m’avait frappé dans le documentaire de Depardon, Les Habitants. Avec la fracture des liens familiaux, c’est le sujet qui revenait le plus souvent dans les conversations. Mon film traite des deux.