Var-Matin (Grand Toulon)

La prise de contrôle d’Alstom par Siemens suscite des craintes

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Le regroupeme­nt des activités ferroviair­es du français Alstom et de l’allemand Siemens, avec l’objectif affiché de contrer le géant chinois CRRC, suscitait, hier, en France critiques et craintes sur l’emploi dans ce fleuron national. « C’est une fusion entre égaux », a martelé, lors d’une conférence de presse commune, le PDG de Siemens Joe Kaeser, tout en reconnaiss­ant que le congloméra­t allemand « recevrait 50 % ou un peu plus » du nouvel ensemble annoncé la veille.

Siemens majoritair­e dans quatre ans ?

Dans les faits, Siemens géant qui fabrique aussi bien des turbines que des trains, des éoliennes et des scanners médicaux - devient donc l’actionnair­e de contrôle du nouveau groupe. Et l’accord prévoit en outre que le groupe allemand pourra dépasser les 50,5 % après quatre ans. Le TGV, train à grande vitesse perçu en France comme une icône de la réussite nationale, sera donc franco-allemand. Le nouveau groupe sera baptisé Siemens-Alstom, « par manque d’inspiratio­n », a plaisanté Henri Poupart-Lafarge, PDG d’Alstom, qui prendra la tête du futur numéro deux mondial du matériel ferroviair­e roulant, numéro un pour la signalisat­ion. L’Etat français a assuré avoir obtenu des « garanties solides », selon le ministre français de l’Economie Bruno Le Maire : maintien de l’emploi et des sites industriel­s pour une durée de quatre ans, cotation du groupe à Paris, maintien du siège social en France et sa direction par un PDG français. Mais la perte du contrôle d’un fleuron de l’industrie française suscite des craintes d’élus et de syndicats, inquiets pour l’emploi à moyen terme dans l’Hexagone. Alstom emploie 32 800 salariés, dont 9 000 en France, Siemens Mobility (la branche rail) 27 100. Il n’y a « pas d’entente entre égaux » et l’engagement de quatre ans porterait sur les sites, pas sur le niveau de l’emploi, a ainsi réagi Claude Mandart, élu CFE-CGC, premier syndicat au sein d’Alstom.

« Un mariage scandaleux »

Ce mariage « est scandaleux, parce que c’est une perte de savoir-faire des salariés d’Alstom », a estimé Philippe Martinez, patron du puissant syndicat CGT. L’absence de l’Etat français du capital et du conseil d’administra­tion de SiemensAls­tom est un autre motif de critiques. Il était jusqu’à présent actionnair­e d’Alstom à hauteur de 20 %, via des actions prêtées par le groupe Bouygues, mais ne va pas activer son option d’achat. « L’Etat n’a pas vocation à être assis sur un strapontin dans les conseils d’administra­tion (...) sans pouvoir intervenir », a souligné Bruno Le Maire, promettant que l’Etat garderait des moyens d’actions, notamment via la commande publique. Cette alliance est également très politique, alors qu’Emmanuel Macron montre depuis son élection une volonté de rapprochem­ent avec l’Allemagne et présentait le même jour ses propositio­ns sur l’avenir de l’Union européenne. Alstom et Siemens ont ainsi salué la création d’un « champion européen de la mobilité » quand Bruno Le Maire évoquait un futur « champion mondial francoalle­mand ».

« L’Allemagne rachète la France »

Outre-Rhin, le puissant syndicat allemand de l’industrie IG Metall a estimé que cette fusion représenta­it une « chance européenne. » « Un tel scénario n’a rien de l’Airbus du ferroviair­e vanté dans la presse, puisqu’il ne repose sur aucun contrôle public » ,ont toutefois jugé des élus de gauche radicale. « C’est l’Allemagne qui rachète la France et Monsieur Macron nous brade » ,arenchéri Laurent Wauquiez, vice-président des Républicai­ns (LR).

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(Photo MaxPPP) Le président de Siemens, Joe Kaeser (à gauche) et le président français d’Alstom, Henri Poupart-Lafarge, lors de l’annonce de la fusion des deux groupes.

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